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populations et protéger la santé publique. C’est travailler dans l’intérêt bien entendu du Trésor que de préserver les paysans de ce terrible fléau, qui sévit aujourd’hui en France dans une partie de nos départemens et qui mine la santé physique et morale de nos populations du nord et de l’ouest. Des hommes sains et forts travailleront davantage, produiront plus de richesse, et apporteront au budget des contributions plus abondantes que ceux qui seraient physiquement affaiblis. Cette amélioration du sort des classes pauvres paraît au ministre prouvée par l’augmentation des recettes budgétaires, car les impôts directs auxquels le contribuable ne peut se soustraire ne représentent qu’une faible part du budget russe, alimenté surtout par les taxes indirectes, qui ne frappent pas les objets de première nécessité, comme le sel et le pain, lourdement grevés dans d’autres pays d’Europe. La plupart des recettes proviennent de l’imposition indirecte d’objets de consommation, dont aucun n’est de première nécessité, et de l’exploitation des chemins de fer, des postes et des télégraphes. Avec ce système fiscal, il est loisible à chacun des contribuables de concourir à la formation de la majeure partie des revenus de l’État dans la mesure de sa force économique.

Les vérités financières sont à chaque page rappelées dans ces exposés qui méritent, en beaucoup de leurs parties, d’être cités comme des modèles. Ils ne cessent de recommander le maintien d’un inébranlable équilibre entre les recettes et les dépenses. « Chacun est enclin, dit M. Witte en 1898, à considérer les caisses de l’État comme un réservoir inépuisable ou à démontrer avec conviction que telles ou telles dépenses sont productives, qu’elles ne sauraient être réduites : mais il appartient au gouvernement de distinguer entre les dépenses nécessaires, utiles, superflues et vaines : les entreprises les plus utiles, si elles se font sans argent disponible ou au prix de trop grands efforts et en désorganisant les finances, sont nuisibles à l’État. » A coup sûr, l’examen approfondi du budget russe nous révélerait encore bien des faiblesses, excusées ou même justifiées par la situation économique de l’Empire, la pauvreté d’une partie de son sol, la rigueur du climat, l’inexpérience et l’imprévoyance des habitans. De la théorie à l’application pratique il y a un abîme, toujours difficile à franchir en ces matières : mais, si le chemin à parcourir est encore long, le progrès accompli n’en est pas moins remarquable.