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à susciter des jalousies dont il sait très habilement profiter.

Qu’il s’agisse de mines ou de chemins de fer, le plus sage est de ne pas nous endormir sur la foi des textes et des signatures. Pour que nos droits ne puissent être contestés ni par les Chinois, ni par nos rivaux européens, il est nécessaire d’abord de les exercer : en Chine, c’est la politique des résultats qu’il faut résolument adopter. Les Allemands, dans le Chan-toung, en ont donné un exemple saisissant ; ils n’ont toléré aucune concurrence étrangère pour les voies ferrées ou les mines ; mais ils ont l’énergie de se mettre eux-mêmes à l’œuvre sans retard et de prouver par l’effet la validité de leurs droits. Ainsi devons-nous faire : nous avons besoin d’une politique ferme, qui garde avec vigilance les positions acquises et en conquière de nouvelles ; mais nous manquons surtout d’hommes énergiques et de capitaux audacieux pour mettre tout de suite à profit les avantages obtenus par nos diplomates ou les terres conquises par nos soldats. Sachons donc défendre nos droits, mais sachons aussi en user. À ce prix est la prospérité et l’avenir de notre empire asiatique.


V

Mais la vraie Chine, avec ses millions d’habitans et ses immenses ressources naturelles, ce n’est ni dans les plateaux du Yun-nan, ni dans les enchevêtremens montagneux du Kouang-si qu’il la faut chercher : ce sont les bastions du Céleste Empire, mais le foyer intense de la vie n’est pas là. Le centre d’attraction du commerce et de la population, le point de convergence des grandes routes naturelles, c’est la vallée du Yang-tsé. Pour participer à l’essor économique de l’empire, il faut atteindre l’artère qui lui porte la vie et la fécondité, il faut parvenir au Fleuve. Là, en quelque point de son cours, est l’aboutissement nécessaire de notre pénétration ; notre réseau ferré ne saurait avoir pour point final une bourgade perdue au milieu des montagnes du sud-ouest, il faut que l’une de nos lignes, s’enfonçant à travers les plateaux et les chaînes, aille chercher l’aliment nécessaire à sa prospérité jusque sur les rives du grand fleuve où pénétrera bientôt par le nord la ligne de Pékin à Han-kéou, reliée au Transsibérien, et où parviennent par l’est les bateaux anglais, allemands, japonais. Le terme naturel de nos voies tonkinoises n’est pas l’énorme agglomération de villes et d’hommes qui se presse autour de