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surgiront aussitôt contre l’application des tarifs ! que de demandes pour obtenir des trains supplémentaires, de plus grandes vitesses, un nombre supérieur de wagons, des facilités de toute nature, qui battront en brèche cette ressource nouvelle, qui tendront à dessécher ce Pactole arrivant alimenter le budget ! D’autre part, une administration publique sera-t-elle, aussi soucieuse qu’un conseil émané d’une assemblée d’actionnaires, capable de bien gérer le patrimoine qui lui est confié ? Les adversaires du rachat des chemins de fer par l’Etat craignent qu’un gouvernement de fonctionnaires, installé à la tête de ces vastes exploitations, ne puisse pas ou ne sache pas les diriger avec la même sévérité, ou tout au moins avec la même économie que les administrateurs, directeurs et employés actuels des compagnies.

Il est certain que l’expérience de plusieurs pays, notamment de la Belgique, n’est pas concluante en faveur de l’exploitation des chemins de fer par l’Etat. De plus, l’ingérence du Parlement dans l’administration est poussée chez nous beaucoup plus loin qu’ailleurs, et rendrait encore plus difficile le bon fonctionnement d’une machine aussi colossale que l’exploitation d’un réseau de lignes d’une longueur égale à la circonférence du globe terrestre. En théorie, cependant, on ne voit pas pourquoi un corps de fonctionnaires n’arriverait pas à une conception assez forte, à un sentiment assez élevé de ses devoirs vis-à-vis de la communauté, pour être capable d’assurer dans les meilleures conditions possibles la marche d’un service comme celui des transports par voie ferrée, qui rentre au premier chef dans la définition de ceux que l’Etat peut songer à assurer dans l’intérêt de tous. Mais il est prématuré d’envisager la solution d’un problème qui ne se posera que dans un demi-siècle : d’ici là, il paraît plus sage de laisser les compagnies poursuivre leur exploitation sous le contrôle de l’administration, armée de façon à réprimer les abus, à corriger les erreurs, et à défendre les intérêts du public. D’ici là, les sociétés actuelles auront amorti tous leurs titres ; elles transmettront alors leur réseau complètement outillé à l’Etat, qui ne devra leur rembourser que le matériel roulant et certaines dépenses de peu d’importance prévues aux cahiers des charges.

Cette nue propriété de la plus grande partie des chemins de fer français, dont la portion connue sous le nom de réseau de l’Etat est seule possédée et exploitée aujourd’hui par lui,