Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 156.djvu/354

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fonctionnaires et ne pas surcharger le service des pensions par des mises à la retraite prématurées. Ce plan est modeste : il est permis de concevoir l’espérance qu’à un moment donné, l’état de nos finances nous autorisera à en rêver un plus vaste, et que l’amortissement, en particulier, sera maintenu dans son intégralité, sans que des emprunts directs ou indirects viennent accroître le capital de la dette de sommes égales ou supérieures à celles qui sont remboursées par les tirages de la rente amortissable, et par le paiement des diverses annuités aux compagnies de chemins de fer et autres.

Le second bloc de nos dépenses est formé par les budgets des ministères de la Guerre et de la Marine. Une noble et généreuse tradition, qui s’est implantée au lendemain de nos désastres dans les Chambres françaises, a fait que, depuis 1870, jamais un crédit pour la guerre ou la marine n’a été marchandé au gouvernement qui le demandait. Peut-être le patriotisme, qui se refusait à discuter et à critiquer quoi que ce soit, n’a-t-il pas toujours été également bien inspiré. Peut-être des résolutions, impliquant des centaines de millions de dépenses, auraient-elles gagné à ne pas être prises d’enthousiasme, et à être au contraire mûrement pesées. Le Parlement a trop souvent perdu de vue que l’arsenal de la nation ne doit pas seulement contenir des canons et des fusils, mais aussi des réserves économiques, et que celles-ci ne naissent et ne subsistent que dans un pays où la charge des impôts n’est pas excessive. « Des budgets bien réglés, disait avec raison le rapporteur général du budget de 1899, constituent un élément essentiel des forces de défense : nos administrations militaires devraient peut-être moins l’oublier. » Nous ne voulons pas entrer ici dans la discussion de nos dépenses militaires : ce n’en est pas le moment, ni celui de songer à les réduire. Mais ce que nous voudrions, c’est que le Parlement ne perdît pas de vue les liens qui rattachent les questions militaires à des questions plus hautes encore, et notamment à celle de l’orientation de notre politique extérieure. De là dépendent en effet l’organisation même de l’armée et de la flotte. Que voulons-nous ? où tendons-nous ? qu’espérons-nous de nos sacrifices et de nos efforts ? Il semble que le Parlement ne le sache pas toujours lui-même. Et c’est pourquoi nous appliquerions volontiers à cette partie du budget la phrase de l’exposé de M. Caillaux qui, dans sa pensée, visait sans doute les dépenses civiles plutôt que les autres, mais