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lyonnaise un excellent débouché : elles n’y arrivent qu’en quantités insignifiantes, malgré un droit de 100 francs par 100 kilos sur les soies grèges exportées ailleurs qu’en France ou dans nos colonies ; et, si l’on en croit les conclusions de la mission lyonnaise, ce système aurait pour effet de diminuer très sensiblement les exportations du Tonkin vers Canton, sans réussir à augmenter les envois vers la France.

Mais tout, en ces matières délicates, est une question de mesure et d’espèces particulières ; les règles d’application pratique varient avec les conditions géographiques, politiques, économiques. Il reste acquis cependant qu’une partie du commerce tonkinois et cochinchinois ne peut se faire qu’avec la Chine. Que l’on cherche à développer autant que possible les échanges entre nos possessions d’Extrême-Orient et la métropole par une combinaison bien appropriée de tarifs de douane, rien de mieux ; mais il faut en même temps permettre à notre colonie de profiter du contact de l’immense marché qui est à ses portes.

Ce même esprit de prudence et d’opportunité devrait régler nos rapports avec les Célestes qui vivent ou trafiquent dans nos possessions. Le Chinois est, pour le moment, indispensable à l’activité commerciale en Extrême-Orient ; il est l’intermédiaire presque obligé des transactions. Mais il faut prendre des précautions contre lui ; s’il rend des services comme courtier, il serait fâcheux qu’il devînt le maître, qu’il eût le monopole de certains commerces. Aujourd’hui, tout ou presque tout le trafic du riz, de la soie, de la cannelle, du sucre est aux mains de Célestes qui en recueillent le profit. Le gouvernement colonial bénéficie des droits de douane à la sortie, mais c’est tout l’avantage qu’en retirent nos compatriotes. Le Chinois est envahissant : si on le laisse faire, il finira par tout accaparer[1]. Il y a là un véritable danger, contre lequel il est nécessaire de nous prémunir.

Le commerce de l’Indo-Chine avec l’Empire du Milieu est encore peu considérable[2], mais il ne saurait manquer d’atteindre rapidement à une haute prospérité, si nous savons faire du Tonkin, de la Cochinchine, du Cambodge, de l’Annam, des pays de

  1. Une usine d’égrenage de coton, montée au Cambodge par des Français (maison H. Blum et Cie) a été récemment achetée par un syndicat chinois.
  2. La moyenne du commerce de l’Indo-Chine avec la Chine a été, pendant la période 1891-95, de 60 millions de francs en moyenne et le chiffre s’est élevé, en 1895, à 86 millions, dont 40 millions pour le riz de la Cochinchine. (Louis Raveneau : La Chine économique, dans les Annales de Géographie, 15 janvier 1899, p. 73.)