Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 156.djvu/23

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

heurteront encore souvent aux résistances locales, aux préjugés invétérés, à l’hostilité traditionnelle des mandarins et des lettrés ; mais le décret impérial n’en est pas moins, au seul point de vue de la religion et de la civilisation, un très grand acte dont on ne saurait sans témérité préjuger aujourd’hui les conséquences possibles. Peut-être, dans les temps futurs, le décret du 15 mars 1899 apparaîtra-t-il comme l’une des grandes dates de l’histoire de l’humanité civilisée.

C’est une vérité banale de constater que, partout dans le monde, une longue collaboration historique a rendu inséparables les intérêts de la France et ceux de l’Église catholique. Le nouvel acte du gouvernement chinois, si favorable aux missions, est, du même coup, un succès pour la diplomatie française : il suffirait, pour en être certain, de constater avec quelle mauvaise humeur les journaux étrangers en ont accueilli l’annonce. C’est surtout à l’influence de Mgr Favier, des Pères Lazaristes de Paris, évêque de Pékin, qu’est dû le beau résultat qui vient d’être obtenu ; mais on est heureux de reconnaître qu’il a rencontré dans les représentans de la République française un appui vigoureux et efficace. Après M. Gérard, qui avait su porter si haut le prestige de la France, la tâche de protéger les missions catholiques échut à M. Stephen Pichon ; échappé à l’atmosphère viciée du parlement et animé du souci patriotique de ne laisser péricliter entre ses mains aucune partie du patrimoine national, l’ancien député de Paris a mis au service du protectorat français les ressources d’un esprit souple et d’un caractère énergique : c’est lui-même, comme représentant de la puissance protectrice du catholicisme en Chine, qui, par une circulaire aux évêques, leur a notifié officiellement l’heureux changement survenu dans la situation du clergé catholique. — Le décret du 15 mars est en effet gros de conséquences pour l’influence française. En cas de difficultés graves, y est-il dit, survenues « dans une des provinces quelle qu’elle soit,  » et qui n’auront pu être réglées d’un commun accord entre les missionnaires et les mandarins, « l’évêque et les missionnaires du lieu devront demander l’intervention du ministre ou des consuls de la puissance à laquelle le pape a confié le protectorat religieux.  » Tels sont les termes du décret : ils contredisent l’idée de la nationalisation des missions ; ils constatent officiellement, en prescrivant aux missionnaires de s’adresser non pas aux représentans de leurs gouvernemens respectifs, mais à