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en liberté, un papier bleu de tournesol plongé dans le liquide rougit : les traces d’acides libres ainsi formés arrêtent le travail des fermens. Quand, au contraire, on a introduit du carbonate de chaux, les acides azoteux, azotique produits, l’acide sulfurique séparé de sa combinaison s’emparent de la chaux du carbonate, se saturent, dégageant de l’acide carbonique qui dissout le carbonate de chaux ajouté en excès, et donne au liquide la réaction légèrement alcaline favorable.

De ces faits se déduit nettement l’utilité du chaulage des terres de landes ; les débris végétaux qui s’y accumulent ne s’y brûlent que très incomplètement ; leur combustion lente donne de l’acide carbonique, de l’acide acétique, et aussi ces corps bruns désignés sous le nom d’acides humiques ; quand on délaie dans l’eau ces terres de landes, elles présentent une réaction nettement acide, la nitrification ne peut s’y établir.

MM. Muntz et Girard ont introduit, dans une terre acide de Bretagne, les engrais azotés qui habituellement sont rapidement attaqués par les fermens et fournissent des nitrates par la transformation de leur azote : du sang desséché, des débris de cornes, du sulfate d’ammoniaque même ; il n’y a pas eu production de nitrates ; ceux-ci n’ont apparu que lorsque cette terre a été marnée. C’est bien en neutralisant l’acidité du sol que la marne a été favorable, car le fumier qui renferme toujours des carbonates de potasse et d’ammoniaque, capables de donner au sol la réaction alcaline favorable à l’activité des fermens nitriques a fait apparaître des nitrates dans la terre acide non marnée ; ils ont apparu encore après un apport de luzerne verte, qui, en se décomposant dans le sol, produit aisément de l’ammoniaque en quantités suffisantes pour neutraliser les acides du sol.

Qui a vu au printemps un blé jaunâtre, clair, souffreteux, devenir en une quinzaine de jours vert foncé, vigoureux, par l’épandage du nitrate de soude, ne doutera pas qu’une terre impuissante à former cette admirable matière fertilisante, ne soit en quelque sorte transformée, quand elle acquiert cette propriété ; les amendemens calcaires la lui donnent, et la rendent capable de porter les plantes des terres fertiles : blé et betterave.

Une terre qui nitrifie bien possède un des facteurs dominans de la fertilité ; mais si elle est devenue apte à fournir d’excellentes récoltes, elle est exposée aussi à de grandes pertes : en effet, une fois les fermens nitriques à l’œuvre, ils travaillent tant que