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chaule et qu’on ensemence du trèfle, il devient luxuriant ; en effet, le milieu est favorable à la propagation des bactéries fixatrices d’azote et la plante trouve en outre la matière organique qui lui sert d’aliment. Pendant plusieurs années, cette prospérité se maintient, jusqu’à ce que l’approvisionnement de matière humique soit consommé ; lorsqu’il l’est, les récoltes s’amoindrissent, mais l’épuisement du sol n’est pas dû à la chaux, il est dû à la plante, qui n’a crû que parce qu’on a chaulé. L’épandage des amendemens calcaires n’a été qu’indirectement cause de l’épuisement du sol ; la cause directe, c’est la légumineuse, et on en est convaincu quand on voit, après quelques années d’existence, les prairies artificielles dépérir, sans que le chaulage ait été pratiqué. Est-ce à dire cependant que la chaux ne contribue pas à cet épuisement du sol, et que, même en l’absence de légumineuses, une terre chaulée ne s’appauvrisse pas plus qu’une autre qui n’a rien reçu ? C’est là ce que nous allons maintenant discuter.


IV. — ACTION DES AMENDEMENS CALCAIRES SUR LES MATIÈRES AZOTÉES

Une bonne terre arable renferme de 1 à 2 millièmes d’azote appartenant à des matières organiques ; un hectare de 4 000 tonnes contient donc de 4 000 à 8 000 kilos d’azote combiné, et bien que nos plus fortes récoltes n’exigent que 100 à 150 kilos d’azote, nous sommes contraints pour les obtenir d’employer des engrais azotés. Leur efficacité démontre clairement que l’humus est inerte et ne fournit pas, en temps utile, les doses d’ammoniaque ou de nitrates qui nous sont nécessaires.

Peut-on hâter ces métamorphoses à l’aide des amendemens calcaires ? On l’a cru, et Boussingault a consacré à cette étude un long mémoire. Il a cherché comment la chaux caustique attaquait la matière azotée de la terre, et il a été étonné de reconnaître que cette attaque ne produisait que de petites quantités d’ammoniaque et pas du tout de nitrates. Il solubilisait, et cette fois à l’état d’acide nitrique, plus d’azote en mélangeant la terre à une forte proportion de sable qu’en y ajoutant de la chaux.

On sent très bien, en relisant le mémoire de Boussingault, que ces résultats le surprennent, et ils étaient, en effet, inexplicables avec les connaissances acquises, au moment où il exécutait ces recherches. Elles datent de 1859, au moment où Pasteur commençait à peine l’admirable série de travaux qui ont éclairé tant