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l’emploi exagéré de la chaux que l’échec est dû ? Pour le savoir, il convient de suivre la culture des légumineuses, sur un sol où la chaux n’est pas répandue, car si, après quelques années, ces plantes dépérissent, on ne pourra pas lui attribuer leur disparition.

Or, il est bien connu que les prairies artificielles ne sont pas des prairies permanentes ; après deux ans, un trèfle est envahi par les graminées et doit être retourné ; un sainfoin dure trois ans, une luzerne cinq ; si on ne défriche pas, on voit la pièce se couvrir de graminées grossières, de plantes diverses, et la luzerne disparaître peu à peu. L’expérience enseigne, en outre, qu’il est tout à fait inutile de réensemencer en luzerne ou en sainfoin, un champ qui vient de porter l’une ou l’autre de ces deux espèces ; les graines germeront, mais les jeunes plants ne pourront prendre possession du terrain ; et bientôt on en trouvera à peine quelques pieds noyés au milieu des mauvaises herbes.

A Rothamsted, sir J. B. Lawes et sir H. Gilbert ont maintenu du blé sur la même pièce, depuis cinquante-cinq ans ; on distribue indifféremment du fumier ou des engrais chimiques, les rendemens varient avec les conditions météorologiques, et si la saison est favorable, la récolte est actuellement aussi bonne qu’à l’origine. Il est bien loin d’en être ainsi du trèfle ; sa culture continue est impossible, ou au moins, elle ne se maintient que dans des conditions très spéciale ; il existe, à Rothamsted, une petite plate-bande de jardin sur laquelle le trèfle croît depuis trente ans, et cette réussite est due à la richesse en matières organiques de ce sol, où les jardiniers ont prodigué les fumures.

Quand on compare les cultures de légumineuses installées dans du sable additionné d’engrais minéraux, de délayure de terre, de façon que les racines se couvrent de nodosités, à celles qu’on obtient dans de bonnes terres enrichies par d’abondantes fumures au fumier de ferme, on reste convaincu que les légumineuses n’acquièrent un développement complet que dans les sols où les matières humiques sont abondantes.

Celles que le trèfle ou la luzerne utilisent ne paraissent se former aux dépens des débris végétaux, attaqués par les bactéries oxydantes du sol, qu’avec une certaine lenteur, et quand elles sont consommées, la prairie artificielle dépérit, elle est envahie par les graminées qui n’ont pas les mêmes exigences : ces matières humiques s’accumulent inutilisées dans les sols où l’absence de chaux empêche la création des prairies artificielles. Si l’on