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demande. Ce général était M. de Castella, de nationalité suisse, type curieux de condottiere bon enfant, égaré dans notre siècle prosaïque. Il servait dans la petite armée du Pape, où il était parvenu au grade de colonel, lorsque l’entrée des Italiens à Rome lui fit des loisirs forcés. Aussitôt, il s’empresse de prendre du service dans l’armée française, contre les Allemands. La guerre de France se termine et le voilà de nouveau sur le pavé. Mais les carlistes prennent les armes, et Castella d’accourir, pour mettre son épée à leur service. Bien accueilli de Don Carlos et attaché à son état-major général, il sollicita vainement un commandement actif. Si grande est l’antipathie des Espagnols pour les étrangers, qu’on ne se décida jamais à l’employer comme il le demandait. Ce ne fut qu’au dernier jour de la guerre qu’il put avoir la satisfaction de se battre. Le comte de Caserte, dernier commandant en chef de l’armée carliste, était à Vera avec une dizaine de bataillons. A la nouvelle de l’entrée de Don Carlos en France, jugeant avec raison que tout était fini, le prince ne songea plus qu’à pourvoir à sa sûreté. Il partit, et tous les généraux suivirent son exemple, à l’exception de Castella. Les troupes alphonsistes approchaient, et les bataillons carlistes, laissés à eux-mêmes, allaient se débander sans combat, lorsque Castella leur représenta que, pour l’honneur du nom carliste, ils ne devaient pas déposer les armes avant de s’en être servis une dernière fois. Les troupes l’acclamèrent et se placèrent spontanément sous ses ordres, et, pendant toute une journée, cette poignée d’hommes se battit contre des forces très supérieures, sans autre but que de sauvegarder l’honneur. Puis, l’honneur étant sauf, elle passa la frontière, à la suite de son général improvisé. Au demeurant, ce soldat des causes vaincues était sympathique. Quand on est Suisse et qu’on a des goûts belliqueux, on est bien forcé d’aller en demander la satisfaction à d’autres pays que le sien.

Tant que la guerre avait duré, des malandrins, se réclamant tantôt d’un parti, tantôt d’un autre, avaient profité du désordre pour se livrer à toutes sortes de crimes sur le territoire disputé entre les deux armées. L’ordre se rétablissant en Espagne, ces gens de sac et de corde vinrent chercher un refuge en France. L’arrondissement de Bayonne en fut bientôt infesté. Je pourchassai, avec la dernière rigueur, ces bandits qui constituaient un véritable danger public, et grâce aux primes que je donnais à ceux qui les dénonçaient, je parvins à en purger rapidement le pays. L’un d’eux,