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du royaume et ambassadeur de Sa Majesté Catholique à Saint-Pétersbourg, le commissaire vint nous saluer. L’ambassadeur détourna la tête. « La vue de ce diable d’homme m’est déplaisante, me dit-il. Il m’a si souvent arrêté, que je me figure toujours qu’il va me mettre la main au collet ! » M. Roumagnac était un excellent serviteur et un agent de renseignemens précieux, lorsqu’on savait mettre ses informations au point. Il avait vu tant de changemens en Espagne, qu’il prédisait toujours une révolution imminente, ce qui avait le don d’agacer profondément le duc Decazes.

L’armée et la marine concouraient à la garde de la frontière. Une vieille canonnière mouillée à Hendaye, l’Epieu, était chargée de la police de la Bidassoa. Un aviso, l’Oriflamme, stationnait tantôt à Bayonne et tantôt à Saint-Sébastien, quand il ne croisait pas sur la côte, pour veiller à ce que nos pêcheurs ne fussent pas molestés. M. de Bizemont avait succédé à M. Sallandrouze de Lamornaix dans ce commandement envié. Il y fut remplacé par M. Pougin de la Maisonneuve, aujourd’hui contre-amiral. L’Angleterre et l’Espagne entretenaient également des stationnaires dans le port de Bayonne.

Dans tous les villages de la frontière, des détachemens d’infanterie étaient cantonnés. Ils avaient pour mission d’empêcher les belligérans espagnols de violer le territoire français, ce dont ils ne se faisaient aucun scrupule. Ces troupes étaient sous les ordres d’un lieutenant-colonel, qu’un malheureux incident de sa carrière condamnait à ne jamais atteindre le grade supérieur : le 88e régiment de marche était sous ses ordres lorsqu’il passa à la Commune.

Les soldats disséminés dans le pays basque y menaient une existence fort heureuse, au milieu d’excellentes populations qui les choyaient. L’envers de la médaille, c’est qu’ils étaient exposés, comme les habitans, à recevoir de l’autre côté de la frontière quelque balle plus ou moins égarée. Une paysanne fut ainsi tuée au village de Biriatou, et, quelque temps après, un soldat périt de la même manière à la Peña Plata. Le gouvernement français réclama du gouvernement espagnol une réparation pécuniaire, à raison de ces deux meurtres. L’indemnité fut fixée d’un commun accord à 25 000 francs pour la femme, qui était mère de famille, à 20 000 francs pour le soldat. Mais ce n’était pas tout que d’obtenir la fixation de la somme à payer, il fallait arriver au paiement. Le chiffre des indemnités à payer aux sujets français pour les