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lorsqu’il se trouve être Français. La cause première du conflit actuel est dans cette différence de régime. Trouvant leur avantage à pratiquer la « politique de la porte ouverte ! » les Anglais ont, de leur plein gré, renoncé à leurs prérogatives originelles et maintenant ils considèrent comme « préjudiciable aux intérêts britanniques » que nous ayons, nous, conservé notre situation privilégiée[1]. — L’augmentation du commerce amena le besoin urgent d’étendre toutes les concessions, la nôtre comme le seulement anglo-américain : en mars 1896, un projet d’agrandissement général de tous ces territoires, préparé d’un commun accord par les ministres des puissances intéressées, fut présenté au Tsong-li-Yamen. Les négociations traînaient en longueur, mais l’entente subsistait entre les représentans étrangers, quand un incident vint provoquer les difficultés qui sont encore pendantes. A l’intérieur de la concession française, la corporation des marchands de Ning-po possédait un cimetière ; l’on y déposait les cadavres en attendant qu’on les embarquât pour les rendre à leur terre natale ; c’était pour notre établissement un voisinage infect et dangereux, mais toucher à un cimetière, en Chine, où le respect superstitieux des morts est le fond de la religion populaire, c’est un véritable sacrilège. En mars 1898, la municipalité française prévint les gens de Ning-po d’avoir, dans un délai de trois mois, à enlever les tombes et les cercueils et à nous abandonner le terrain ; puis, le délai passé, elle fit, sous la protection des marins de l’Éclaireur, démolir le mur du cimetière (16 juillet). Une émeute éclata, il y eut des morts et des blessés ; les boutiques se fermèrent et tout le mouvement des affaires se trouva du coup paralysé. La sédition fut vite apaisée par l’intervention des gros négocians de Ning-po, mais les suites de la précipitation de la municipalité française furent des plus fâcheuses. Tandis que le settlement anglo-américain a reçu l’agrandissement dont il avait besoin, nous attendons encore pareille satisfaction et nous n’avons même pas tranché la question du cimetière. Avec une mauvaise volonté persistante, avec un parti pris « peu amical » de faire échouer nos efforts, la diplomatie britannique a agi contre nous auprès du Tsong-li-Yamen et du vice-roi de Nankin ; et chaque fois que, de concessions en concessions, nous avons cherché à arriver à une solution, les Anglais, plus exigeans à mesure que

  1. Blue Book, n° 319.