Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 156.djvu/186

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’Alphonse XII, c’est d’abord parce que j’en tiens les détails d’une source très autorisée[1], mais aussi et surtout parce que cet événement eut, naturellement, une influence décisive sur l’issue de la guerre carliste. La cause de Don Carlos trouvait de nombreux appuis dans les provinces du nord, auxquelles le prétendant promettait de rendre leurs anciens privilèges, qui consistent surtout dans la limitation de la contribution en hommes et en argent que ces provinces doivent fournir au gouvernement central. Or, la part d’impôts et de contingent militaire dont les provinces privilégiées seraient ainsi exonérées retomberait nécessairement sur les autres, et augmenterait d’autant leur propre contribution, et par suite ces dernières provinces, qui forment la plus grande partie de l’Espagne, doivent être forcément hostiles à don Carlos. D’ailleurs, la cause carliste a une couleur de réaction et de cléricalisme qui lui aliène beaucoup de sympathies. Elle a donc besoin de circonstances exceptionnelles pour se faire accepter en dehors des provinces du nord. Ces circonstances existaient, quand l’ordre, la propriété, et toutes les institutions sociales étaient menacés par l’anarchie. Mais, du moment où Don Carlos se laissait devancer à Madrid par son cousin Don Alphonse, il était évident qu’il perdait ses meilleures chances.

Toutes les forces conservatrices de l’Espagne allaient se rallier autour du nouveau régime, qui, tout en donnant satisfaction aux instincts monarchiques du pays, rassurait les intérêts et promettait le prompt rétablissement de l’ordre. Réduit à l’appui des seules provinces du nord, Don Carlos ne pouvait se soutenir longtemps contre les forces reconstituées du reste de la nation, et sa cause devait succomber à bref délai. C’est en effet ce qui se produisit.


III

Parvenu à ce point de mon récit, et conduit à parler de faits auxquels j’ai participé ou assisté, je suis contraint de me mettre personnellement en scène. On voudra bien me le pardonner, puisqu’il m’est impossible de faire autrement.

Je fus nommé sous-préfet de l’arrondissement de Rayonne au mois de mai 1875. Je conservai ce poste jusqu’au mois de juin 1877, date à laquelle je fus appelé à la préfecture des Basses-Pyrénées.

  1. M. de Chaudordy lui-même.