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pour Don Carlos. Un comité, composé de membres de l’Assemblée nationale, s’était formé à Paris, pour prêter aide et assistance au neveu du comte de Chambord. Le gouvernement du maréchal évita donc avec soin de froisser inutilement les légitimistes, tout en remplissant strictement ses obligations internationales, vis-à-vis des gouvernemens successifs de l’Espagne. Mais il ne fut pas moins impuissant que tous les régimes qui l’avaient précédé à contenir les sympathies irréductibles des habitans de la frontière pour les carlistes.

Il ne faut pas perdre de vue que la frontière des Basses-Pyrénées, celle par laquelle s’opèrent les communications les plus faciles avec l’Espagne, est habitée, tant en France qu’en Espagne, par des Basques, étroitement reliés entre eux par la communauté des origines, de la langue et des mœurs. Les Basques espagnols sont carlistes, parce que Don Carlos leur promet de leur rendre leurs fueros. Les Basques français sont également carlistes, d’abord parce que leurs frères espagnols le sont, mais aussi et surtout parce qu’ils ont un puissant intérêt à favoriser l’insurrection sur la frontière, autre que le premier soin des carlistes, dès qu’ils sont maîtres de la frontière, est d’abaisser les droits de douane, afin d’attirer les marchandises et d’enrichir leur caisse, la frontière disputée entre les deux partis est ouverte à toutes les fraudes. Le Basque en profite pour se livrer à son goût inné pour la contrebande. Il y trouve des profits inespérés et la satisfaction de ses instincts aventureux. Le contrebandier est le héros populaire de la montagne. Il rencontre partout des admirateurs et des complices. On conte encore les prouesses des contrebandiers du temps passé, entre autres de celui qui fit passer la frontière à la princesse de Beira, en la portant sur son dos, comme un ballot de marchandises, par les sentiers les plus ardus de la montagne, lorsqu’elle alla de France en Espagne pour épouser le premier Don Carlos, tandis que toute la police de Louis-Philippe était sur pied pour l’en empêcher. A la fin du même règne, les contrebandiers du pays basque, exaspérés de la rigueur et de la surveillance de la frontière, se réunirent en troupe armée et culbutèrent les trois lignes de douaniers. Il fallut envoyer une véritable expédition pour en avoir raison. Tel de nos maires, peut-être encore en fonctions aujourd’hui, était condamné à sept cent mille ou huit cent mille francs d’amende en Espagne pour faits de contrebande. Il fallait bien lui laisser son écharpe,