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les plus récentes manifestations de la philosophie de la croyance qu’elle paraît condamner. Peut-on dire, par exemple, comme on n’y a point manqué, que le mouvement fidéiste actuel se donne originairement comme une négation de la raison et comme une réaction contre la science ? Non certes, puisqu’il se borne tout d’abord à protester contre un attachement exclusif à une certitude scientifique, qui n’est qu’une forme ou une espèce de la croyance, mais non pas la seule, ni la plus active, ni la plus féconde, et qu’ensuite, tout en retenant les motifs intellectuels de croire, il en ajoute d’autres que l’on néglige d’ordinaire, tels que le sentiment et la volonté, et qui ont bien leur importance ou leur place dans l’édification de nos connaissances, quand il s’agit surtout de cette certitude tout intérieure qui se confond avec la vie la plus profonde de l’âme. A quoi s’adresse la protestation en tout ceci, sinon à l’emploi exclusif de l’élément rationnel et à une idée étroite et fausse de la raison confondue avec ses procédés les plus simples, les plus grossiers et les plus élémentaires ? Et pourtant, ce qu’au fond l’on attend ou l’on désire, c’est, au lieu d’un appel à une raison partielle et surprise, le retour à une raison totale et saine, capable d’embrasser l’expérience de la vie et de l’humanité, et désireuse d’établir ses consultations sur toutes les forces vives de l’autorité et de l’individu, de la tradition et de la race, bref sur toutes les puissances de l’homme agissant de concert. Cela est si vrai qu’un éminent écrivain de cette Revue, bien loin d’élever la croyance et par conséquent la religion en dehors de la raison prise comme une méditation collective de l’humanité, a donné, au contraire, les raisons esthétiques, sociales et politiques qui peuvent légitimement y conduire[1] ; ce qui revient à prétendre, avec M. Ollé-Laprune, qu’un acte moral ou personnel n’est pas le fondement unique de toute affirmation de l’esprit, mais que l’acte moral peut proposer à notre analyse ou à notre méditation des motifs raisonnables de croire et des élémens humains assez résistans pour servir à une organisation perpétuelle.

Veut-on aller plus loin encore, et descendre jusqu’aux postulats sous-entendus dans ces diverses doctrines ? Après avoir analysé les motifs essentiels de la croyance et montré les imperfections ou les limites des explications spéculatives, que se demande

  1. V. Brunetière, Introduction à l’ouvrage de M. Balfour sur les Bases de la Croyance.