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intransigeance, aussi éloignée des rêves de certains philosophes grisés par la science que des concessions de certains autres terrifiés par ses progrès. Il la met elle-même hors de cause, n’entreprenant rien contre elle et convaincu qu’elle ne peut rien entreprendre contre la vérité d’un autre ordre.

Or qu’est, en l’espèce, cette vérité contestée parfois au nom d’une science superficielle et que la nouvelle méthode maintient hors des prises de la critique ? Elle se confond avec les affirmations fondamentales que la thèse de la Certitude morale explique, démontre, met en lumière, et il suffit de les énoncer pour comprendre toute l’importance de ces restrictions : la liberté, le devoir, l’immortalité de l’âme, l’existence de Dieu. On se récriera : vérités de sens commun, dira-t-on, bonnes tout au plus à garantir les besoins immédiats de la pratique et à veiller au gouvernement de la vie ; ou, mieux encore, croyances gratuites empruntées à l’expérience religieuse de l’humanité et n’emportant avec elles ni force probante ni clarté démonstrative ! Ce serait se méprendre du tout au tout sur la théorie que nous exposons. M. Ollé-Laprune ne demande pas à une doctrine extérieure la révélation de ce qu’il nomme lui-même le système des vérités de l’ordre moral. L’ordre moral lui apparaît avec ses lois constitutives, invisibles grandeurs, invisibles beautés, qui prennent un sens pour la raison, quand celle-ci se trouve introduite dans le règne supérieur de la charité. Les sens les ignorent ; les esprits prévenus les méconnaissent ; elles se révèlent au cœur. Ce n’est point assez dire, car nous introduirions au principe de ces vérités un élément de subjectivité qui en compromettrait la valeur ; elles se manifestent plutôt et elles s’imposent au cours de la vie. Celle-ci aspire, en effet, en se dépassant en quelque sorte elle-même, à se reposer dans ces hautes affirmations ; elles ne sont pas seulement de sublimes espérances, elles composent, dans leur suite fortement liée, les conditions premières sans lesquelles l’action privée de tout stimulant et vide de tout objet retomberait lourdement sur elle-même. Elles maintiennent au regard de la pensée l’idéal d’une existence complète, avec cette liberté, foyer moral intense où s’exalte et d’où rayonne l’action ; avec ce bien offert aux âmes comme le souverain aimable ; avec ce Dieu, caché au raisonnement, mais rendu sensible au cœur, parlant sans cesse dans cet endroit reculé de l’âme où les sens ne sauraient atteindre, en même temps qu’il se révèle aux esprits par le symbolique