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admise, — décide : Les délégués seront nommés dans les ateliers à raison d’un délégué par corporation. » On le voit, la préoccupation de M. Waldeck-Rousseau a été d’empêcher l’organisation du conflit par le fait du syndicat et, pour cela, d’interdire son action là où elle n’avait que faire. C’est la première fois que les prétentions abusives des syndicats ont été condamnées avec cette fermeté et cette autorité, et il restera à l’actif de cette sentence que, loin d’avoir soulevé de la part des grévistes la moindre protestation, ils l’ont approuvée et ont même fait les démonstrations les plus bruyantes pour en manifester leur parfaite satisfaction.

Les circonstances y sont pour beaucoup. Les ouvriers ne désiraient qu’une chose, rentrer à l’usine. Les prétentions des syndicats appartiennent, pour la plupart d’entre eux, au domaine d’une métaphysique particulière, où s’exercent leurs meneurs. Or ceux-ci, pour des raisons très diverses et dont nos lecteurs se doutent, ne veulent pas en ce moment créer de difficultés au gouvernement. Ils ont donc tout accepté. Non pas cependant sans faire quelques réserves pour l’avenir ; mais ils ne les ont pas tirées de la loi actuelle, que M. Waldeck-Rousseau ne pouvait pas, de leur propre aveu, interpréter autrement ; ils les ont tirées d’une loi future que M. le Président du Conseil leur a promis de déposer, sur le bureau de la Chambre, dès la rentrée. À parler franchement, nous ne croyons pas que M. Waldeck-Rousseau leur donne la loi qu’ils attendent. Les décisions de sa sentence s’appuient, non pas sur la loi écrite, mais sur des principes auxquels il a donné un caractère absolu, comme celui-ci : nul n’est tenu de subir un intermédiaire qu’il n’a pas librement accepté. Si donc le gouvernement dépose un projet de loi, ce ne sera pas celui qu’on a paru annoncer. Nous vivons d’ailleurs au jour le jour, et c’est le cas de dire qu’à chaque jour suffit sa peine. Voilà une difficulté esquivée ; il en reste assez d’autres pour que nous nous réjouissions que celle-là du moins ait disparu, d’autant plus qu’elle ne pouvait se prolonger sans que de pauvres ouvriers et leurs familles en fissent les frais. Nous avons dit ce qu’il y avait eu de mauvais et aussi ce qu’il y avait eu de bon dans l’incident. Nous souhaitons que les syndicats méditent la sentence que celui du Creusot a sollicitée et dont il s’est déclaré content. Nous ne doutons pas qu’il ne l’ait comprise, et dès lors tout est bien qui finit bien.


Au Transvaal, la guerre est commencée. Il fallait d’ailleurs pousser bien loin l’optimisme pour conserver la moindre illusion sur le