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avantages de l’éducation et du gouvernement : » et on ne tardera pas à la voir « devenir meilleure, par cela même qu’elle sera devenue plus libre et plus sage. » A. la créature inutile et frivole qu’est la femme dans notre société dégénérée, on verra alors se substituer une femme nouvelle, l’égale de l’homme en raison et en vertu. « Et sans doute, remarque Mary Wollstonecraft, on ne pourra plus alors la définir aussi justement la douce fleur qui sourit sous les pas de l’homme ; mais elle aura la conscience d’être un membre respectable de la société. »

Quant aux réformes pratiques capables de préparer l’avènement de cette « femme nouvelle », deux d’entre elles paraissent à Mary Wollstonecraft plus urgentes que tout le reste : ce sont les deux réformes qu’elle signale aux révolutionnaires français, lorsqu’elle leur demande, par manière d’expérience, d’autoriser la femme « à partager avec l’homme les avantages de l’éducation et du gouvernement. » Les jeunes filles, suivant elle, doivent être élevées en commun avec les garçons, dans de grandes écoles nationales où n’existe nulle distinction de sexe ni de fortune. Elle veut aussi que toutes les carrières soient, indistinctement, ouvertes aux deux sexes ; et elle recommande d’une façon particulière aux femmes la carrière médicale, comme convenant tout à fait à leurs qualités naturelles. Son programme politique est beaucoup plus vague. Elle se borne à demander pour la femme des droits civils égaux à ceux dont jouissent les hommes, en ajoutant que, parmi ces droits, ne peut manquer de figurer le droit de voter, et celui d’élire des femmes aux fonctions publiques ; mais, sur l’organisation pratique de ce droit de vote, elle s’en tient à des généralités, et qui souvent se contredisent d’une page à l’autre.

Tout le livre, du reste, abonde en contradictions, et sa valeur philosophique est des plus médiocres. Mais, bien que les « droits de la femme » aient trouvé, depuis lors, des défenseurs infiniment plus habiles et plus éloquens, personne peut-être ne les a « revendiqués » avec autant de passion, personne n’a mis autant de son cœur à proclamer « le malheur d’être femme. »


T. DE WYZEWA.