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Il reste encore deux étapes à faire, pour parvenir à la centralisation complète de l’enseignement primaire. La première, c’est de réunir le département des sciences et arts, celui de l’instruction publique et les écoles dépendant de la Charity commission en un seul ministère, et la seconde serait de mettre les frais d’entretien des écoles libres entièrement à la charge du Trésor public. Or voici que la première est à moitié faite, car un bill créant un Ministère de l’Instruction publique (Board of education) vient d’être voté par la Chambre des lords et est actuellement ratifié par les Communes. Ce projet de loi laisse encore les écoles dotées en dehors du ministère, tout en les soumettant au contrôle des inspecteurs de la Reine. Il institue, en outre, un Conseil consultatif de l’Instruction publique, dont deux tiers des membres seraient des représentans élus par les universités et les Sociétés d’instruction.

Quant à la seconde étape, elle sera plus difficile à franchir, car elle entraînerait pour le trésor un accroissement de charges nouvelles de 100 millions de francs. En attendant, le système de l’enseignement primaire présente un faisceau d’anomalies, d’antagonismes et de lacunes nuisibles au progrès. C’est ce qu’il nous reste à examiner.

La première anomalie qui saute aux yeux, c’est l’inégalité des ressources des écoles de différentes catégories. Les écoles de bureau scolaire sont entretenues par des taxes locales et des subventions de l’Etat ; les écoles libres, par des souscriptions particulières et des grants. A mesure que le nombre des élèves a augmenté, par suite des lois sur l’obligation scolaire, les bureaux scolaires, encouragés par l’opinion éclairée des villes, ont élevé le taux des contributions pour suffire aux dépenses ; tandis que les administrations des secondes, qui sont en général dans des villages, n’ont pas vu les offrandes s’accroître en proportion des charges. De là vient que les bureaux scolaires dépensent, pour deux millions d’élèves, beaucoup plus que les administrateurs d’écoles libres pour deux millions et demi d’enfans. En 1897, le coût annuel d’un élève dans une école de bureau scolaire était de 66 fr. 30, tandis qu’il n’était que de 50 fr. 60 dans une école libre. Le salaire des maîtres d’école est aussi en raison inverse de la quantité d’élèves à instruire, ce qui est souverainement injuste[1].

  1. Discours de sir John Gorst, à la Chambre des communes, du 19 avril 1898.