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ecclésiastiques et des causes économiques et politiques qui ont présidé à son développement. Elle offre au moins quinze catégories différentes, qui ressortissent à six ministères ou administrations, et que nous avons essayé de passer en revue tour à tour, depuis les écoles de workhouses jusqu’aux écoles de bureau scolaire, et aux écoles normales ; ces dernières présentent le type le plus élevé. A première vue cela fait l’effet de l’anarchie ; mais en y regardant de plus près, nous avons discerné certaines règles communes et une tendance à plus d’uniformité. Ce qui n’est pas douteux, c’est que, sauf dans certains districts reculés à la campagne, il y règne une activité féconde et progressive. Cela tient à ce que la majorité de ces écoles a été fondée et est encore soutenue par l’initiative privée. Or, n’est-il pas évident qu’on se soucie d’une œuvre, en proportion des sacrifices qu’elle demande ? Il y a donc en Angleterre beaucoup plus de personnes qui s’intéressent aux écoles que chez nous. Comme en France, ces amis de l’enseignement primaire se divisent en partisans de l’église (churchmen) et libéraux. Ces derniers ne veulent du contrôle d’aucune église sur l’école. Mais il y a deux points sur lesquels tout le monde est d’accord : c’est que l’instruction du peuple doit être établie sur la base générale du christianisme et qu’on doit respecter, à l’école, la liberté de conscience de l’enfant des plus humbles parens.

Ainsi, le rôle de l’Etat a été grandissant depuis soixante ans ; il s’est produit au sein de ce chaos une lente évolution dans le sens de l’unité et de la sécularisation des corps dirigeans de l’instruction primaire. Le premier pas a été fait par l’ordonnance de la reine Victoria, substituant un Comité du Conseil privé aux évêques anglicans dans la direction suprême des écoles (1829). On a franchi une seconde étape, en 1870, lorsque le gouvernement a provoqué la formation des bureaux scolaires et décidé qu’il y aurait des écoles normales exemptes du certificat d’anglicanisme. Le troisième pas a été plutôt un recul, marqué par la constitution de ces groupes d’écoles libres (1897), car il a renforcé l’autorité ecclésiastique. Malgré tout, on n’a pas pu enrayer le mouvement qui porte de plus en plus les écoles libres pauvres à se transformer en écoles de bureau scolaire et par-là même à s’affranchir de la tutelle cléricale. Depuis 1872, la clientèle des écoles libres est restée stationnaire, tandis que colle des écoles de bureau scolaire a doublé, et l’on a calculé que, dans une dizaine d’années, les élèves de la première catégorie auront diminué de moitié.