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vieille fille se trouvait-elle laissée sans ressources, vite elle ouvrait une école ou une salle d’asile (dame school). D’ailleurs, l’État n’exerçait aucun contrôle sur les conditions matérielles et hygiéniques. Les salles de classe ressemblaient plutôt à des garderies qu’à des écoles ; on y recevait des enfans de tout âge, de dix-huit mois à onze ans, et les animaux domestiques, des chats, des chiens, voire même des poules, n’étaient pas exclus de la classe. Je vous laisse à penser ce que valait le matériel. On n’avait guère que les évangiles pour livres de lecture, et, les cahiers coûtant cher, on traçait les lettres sur du sable, suivant la méthode indienne ; l’ardoise même était un article de luxe inconnu. La fréquentation des enfans était très irrégulière. Seule, peut-être, la discipline était maintenue, mais par les procédés brutaux du moyen âge : la verge et la posture à genoux prolongée. Aussi ces écoles furent-elles à juste titre flétries du nom d’écoles d’aventure (adventure schools).


I

Mais, en Angleterre, les abus de l’état social provoquent en général l’initiative réformatrice des particuliers. Deux hommes, au début du siècle, ont doté leur pays d’écoles dignes de ce nom. André Bell et Joseph Lancaster. Le premier, étant chapelain du fort Saint-Georges, près Madras, remarqua, en se promenant à la campagne, de jeunes Hindous, répartis en groupes, instruits chacun par un élève plus âgé ou moniteur, et écrivant du doigt sur le sable. Ce fut pour lui un trait de lumière. Chargé quelque temps après de la direction de l’orphelinat militaire de cette ville, il y appliqua avec succès cette méthode, connue sous le nom de système monitorial (1791-1796) ; mais quand, une fois rentré en Angleterre, il voulut le faire connaître, il n’éveilla aucun écho. Presque en même temps, Lancaster, fils d’un ouvrier de Londres qui avait acquis par lui-même quelque instruction, et qui ignorait la méthode de Bell, ouvrit à Southwark, dans un faubourg de Londres, l’école de Borough-road pour les enfans pauvres. La rétribution hebdomadaire, qui était d’abord de quatre pence (0 fr. 40), fut bientôt supprimée. Grâce à son talent et à son désintéressement, le chiffre des élèves s’accrut si vite, qu’il dut prendre un, puis deux maîtres adjoints. Mais ils coûtaient cher ; alors il eut l’idée de les remplacer par ses élèves les plus anciens