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« D’abord elle comprend un grand nombre de membres : elle en a souvent plus de dix et quelquefois plus de quinze. Puis les membres peuvent être assez différens les uns des autres ; ils sont inégaux en étendue et diversement constitués quant à la prosodie. Ce n’est pas tout encore : leur diversité est savamment réglée. Entre le membre et la strophe, il y a plusieurs sortes de groupes intermédiaires, parmi lesquels ils se distribuent suivant des lois longtemps oubliées, mais qui peu à peu sortent des ténèbres et que nous commençons à entrevoir. Il y a d’abord ce qu’on peut appeler des vers lyriques, bien plus souples que les vers de la poésie ordinaire, bien plus variés par leur étendue et leur composition. Tandis que le vers ordinaire comprend toujours deux membres, le vers lyrique en comprend de un à six ; tandis que le vers ordinaire n’associe que des membres ou égaux ou de formes à peu près semblables, le vers lyrique en réunit de très inégaux et de très différens…

« Mais ce n’est là encore qu’un premier degré d’organisation, pour ainsi dire. Ces vers lyriques sont très inégaux et très divers, et, si l’on se borne à les considérer les uns après les autres, on ne voit pas bien quel principe, quelle harmonie, gouverne l’arrangement des membres dans la strophe. M. H. Schmidt a essayé d’aller beaucoup plus loin. Il a eu l’idée de mesurer exactement l’étendue proportionnelle de tous les membres d’une même strophe. Il s’est alors aperçu que les nombres par lesquels se trouvait représentée l’étendue de chaque membre, bien loin de se suivre au hasard, formaient une suite de groupes systématiquement organisés dont l’ensemble constituait la strophe. Ces groupes étaient, plus vastes que les vers lyriques. Ils ne les détruisaient pas ; mais ils se superposaient à eux, et introduisaient dans la strophe un élément de régularité harmonieuse que les vers seuls n’offraient pas encore. Rien d’ailleurs de plus varié que le dessin de chacun de ces groupes ou périodes. Tantôt deux étendues égales se faisaient équilibre ; tantôt une troisième les séparait, ou les précédait, ou les suivait ; d’autres fois encore, des étendues inégales s’entrelaçaient diversement, mais de telle sorte qu’il était toujours aisé de saisir la symétrie de ces figures. »

Cette symétrie n’allait pas jusqu’à la rigueur. D’abord la rythmique grecque admettait certaines durées irrégulières, ou irrationnelles, c’est-à-dire « qui ne peuvent s’exprimer que par