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C’était en plein été. Je vis peu de monde, je ne fus pas à la cour, mais une fois, le matin, chez le roi. Cette visite ne me fit pas grande impression, car il en est à peine fait mention dans mes notes d’alors. En quittant Paris, nous nous arrêtâmes à Beauvais, chez le préfet M. de Germiny, pair de France depuis 1819, habitué de notre maison comme homme politique et comme ami. Nous fûmes coucher à Calais où nous nous embarquâmes pour Douvres. Pendant la traversée, je fus très souffrante, sans cependant avoir le mal de mer. J’étais descendue dans une cabine. Lorsque nous fûmes en vue de Douvres, on vint me dire qu’il fallait m’habiller parce que l’ambassadeur allait être reçu avec l’étiquette ordinaire. Notre bateau étant entré dans le port, le comte de Caraman et Elisée Decazes, premier et deuxième secrétaires de l’ambassade, montèrent à bord. En débarquant, nous trouvâmes nous attendant le commandant et les officiers de la ville. Ils nous accompagnèrent jusqu’à l’hôtel, où M. Decazes les engagea à dîner. Quel singulier dîner ! Une grande table très peu garnie, des plats recouverts de cloches, le tout en plaqué. Quand on levait la cloche, on trouvait quelques pommes de terre bouillies. Il y avait à chaque bout de table deux autres plats, un de poisson, un de bœuf rôti. Le dîner fut long ; on fit passer beaucoup de vins. Tout était bien mauvais. Cependant, le dîner et la nuit coûtèrent douze cents francs !… »

Le 13 juillet, le nouvel ambassadeur de France arrivait à Londres.


ERNEST DAUDET.