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à 1895. Ces savans ont réussi à immuniser contre la peste des chevaux, dont le sérum pouvait ensuite être utilisé chez l’homme. Les opérations qui aboutissent à l’immunisation du cheval sont longues : elles ne durent pas moins d’un an et demi. Elles ont été réalisées à la fois à Paris et à Nha-Trang dans l’Annam, où Yersin dirigeait un laboratoire d’hygiène de la Marine. Il y eut ainsi, depuis 1897, dans les écuries de Garches, annexes de l’Institut Pasteur, toute une cavalerie immunisée.

Après avoir éprouvé sur les singes la vertu du sérum antipesteux, on l’essaya sur l’homme. L’épidémie régnait à Hongkong et à Amoy. C’était la peste bubonique. Elle était grave ; il réchappait à peine un malade sur dix. Or, les pestiférés traités par le sérum guérirent dans la proportion de 24 sur 26. La mortalité était abaissée de 90 pour 100 à 7 pour 100. C’était un résultat admirable. Il eut un grand retentissement. M. Landouzy put enseigner, en pleine école de médecine, que la guérison et la prévention de la peste étaient réalisées.

Une seconde occasion se présenta bientôt de mettre à l’épreuve la vertu du sérum antipesteux. La peste avait éclaté à Bombay, et Yersin, mandé par le gouvernement des Indes, s’y rendit en 1897. C’étaient d’autres formes de la peste, plus graves : la peste pneumonique et la peste septicémique : c’était peut-être aussi un autre sérum, moins actif. Toujours est-il que les résultats furent beaucoup moins satisfaisans. Les espérances qu’avait fait naître la campagne de Chine furent déçues. La vertu curative du sérum se montra très inférieure à ce que l’on en attendait. Une épreuve, faite avec un sérum trop hâtivement préparé sans doute, donna une mortalité de 72 pour 100. Les médecins anglais, allemands, autrichiens, restèrent sceptiques quant à l’utilité du traitement ; quelques-uns la contestèrent nettement. C’était aller trop loin. Le sérum antipesteux de Yersin est, il est vrai, inefficace contre la forme pneumonique de la peste, qui reste fatalement mortelle ; mais il est utile, à des degrés divers, et quelquefois à un très haut degré, contre la peste bubonique ordinaire. Il n’y a jusqu’ici aucun autre traitement qui lui soit comparable, même de très loin.


XIII

Vaccination contre la peste. — Si la vertu thérapeutique du sérum est incertaine, sa puissance prophylactique est