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des docks en ont souvent fait l’épreuve à leurs dépens. Au contraire si l’animal est mort depuis plus longtemps, s’il est froid, on peut le toucher impunément.

Ce transport de la contagion par les rats ne peut se faire que sur le sol. Le rat, de lui-même, ne peut répandre la contagion que sur la terre où il chemine. Une île, un bateau, un ponton, constitueront donc une protection certaine, si leurs habitans évitent d’introduire eux-mêmes, comme jadis les Troyens, l’ennemi dans la place, avec les caisses ou les ballots où il se cache. Cette immunité créée par une ceinture d’eau a été souvent observée. A Londres, en 1665, les personnes qui se réfugièrent sur les bateaux ou les barques à l’ancre sur la Tamise échappèrent toutes au fléau. Même effet à Canton, en 1894, où les 80 000 Chinois qui habitent les bateaux et les pontons du fleuve et du port, restèrent entièrement indemnes.

Inversement, si, comme c’est le cas ordinaire, les rats qui pullulent sur les quais ou dans les docks réussissent à s’introduire dans le navire, pendant son séjour dans le port, ou pendant son chargement, le navire emportera dans ses flancs la peste, fret inattendu. Il y a lieu de croire que c’est par ce procédé qu’ont été propagées la plupart des épidémies qui ont désolé l’Europe. La destruction systématique des souris et des rats s’impose donc comme la condition essentielle d’une organisation définitive contre la peste.


XI

Les procédés de défense contre la peste. — Les procédés de propagation de la peste étant connus, l’œuvre de la défense se trouve toute tracée. Elle consistera à établir des barrages sur chacune des routes du fléau. Il faut s’opposer à la contagion par l’homme, par les objets inertes et les poussières, et enfin par les animaux.

Or, si l’on examine, en fait, les procédés de cette défense tels qu’ils existent actuellement, on constate qu’ils parent, en définitive, au moindre de ces trois dangers, à la contagion par l’homme. Les visites médicales arrêtent les pestiférés en puissance du mal ; les quarantaines d’observation arrêtent les pestiférés en incubation. Leur efficacité est fondée sur ce fait que l’incubation de la peste, chez l’homme, est ordinairement de quatre à cinq jours et qu’elle ne dépasse jamais dix jours.