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l’intérieur (du cercle qui les enserre, le succès est immanquable. L’histoire de la peste en a offert des exemples remarquables, dans l’épidémie de Noja en Italie, en 1815, dans celle de Wetlianka on Russie en 1878 et dans celle d’Anzob, dans le Turkestan russe en 1898.

Noja est une petite ville de l’Italie méridionale, dans la province de Bari. Elle comptait un peu plus de 5 000 habitans, lorsque, au mois de novembre 1815, elle fut envahie par le fléau que les troupes turques avaient déchaîné sur le littoral oriental de l’Adriatique. La maladie y sévit pendant dix mois et y fit périr 716 personnes, c’est-à-dire environ un habitant sur sept. Dans le courant du second mois, un cordon sanitaire fut établi et la ville étroitement bloquée. Il était interdit, sous peine de mort, aux habitans d’avoir aucun rapport avec les troupes d’investissement. Cette consigne fut rigoureusement observée. On raconte qu’un paysan fut fusillé pour l’avoir enfreinte et pour avoir fait passer aux soldats un jeu de cartes provenant de la ville infectée. L’épidémie fut étouffée sur place, et l’Italie, si souvent ravagée jadis par la peste, fut préservée cette fois.

L’épidémie de Wetlianka est plus récente. Elle s’est produite en 1878, en Russie, dans le gouvernement d’Astrakan. Elle a eu un grand retentissement, parce qu’elle venait interrompre le rêve de sécurité où se complaisait l’Europe. Wetlianka est un village de Cosaques, comptant 1 500 habitans, situé sur la rive droite du Volga à une cinquantaine de lieues en amont d’Astrakan. La maladie, probablement originaire du foyer persan, y fit sa première apparition le 12 octobre 1878 ; ses premiers progrès furent lents et sa nature fut d’abord méconnue. Brusquement elle s’aggrava le 29 novembre et la contagion commença de gagner les villages voisins. Le médecin mourut. La terreur se répandit partout et l’on vit se renouveler les scènes d’horreur qui avaient marqué quelques-unes des épidémies du moyen âge : l’abandon des malades, la fuite des habitans, les morts laissés sans sépulture. Le gouvernement, tardivement informé, prit des mesures de préservation énergique. Un premier cordon sanitaire entoura le village envahi ; un second enveloppa le district ; un dernier cercle de troupes investit la province tout entière. Des précautions hygiéniques rigoureuses, telles que l’incendie des maisons atteintes, la destruction par le feu de tous les objets qui avaient servi aux pestiférés, l’inhumation dans la chaux de ceux qui avaient