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tous les foyers secondaires qu’il avait engendrés. On sait qu’un vice d’organisation du service sanitaire international vient de lui permettre de se rallumer, et que la peste, importée de Bombay, a reparu à Alexandrie en 1896.


Si, comme on avait pu le croire, et comme l’ont prétendu Desgenettes, Fodéré, Pariset et d’autres épidémiologistes, l’Egypte eût été le véritable et le seul foyer originel de la peste, son extinction en ce point vers la fin de l’année 1844 eût marqué la disparition définitive de cette maladie. Il nous serait permis après cinquante années d’immobilité et d’inertie du germe de la contagion de le considérer comme éteint et détruit à jamais. C’était bien là ce que pensait la majorité des médecins : la peste appartenait au passé ; elle n’intéressait plus que l’histoire.

La réalité n’était malheureusement pas conforme à cette opinion optimiste. Il y avait d’autres foyers originels que l’Egypte. Il en existait un. principal dans l’Extrême-Orient, en Chine, dans le Yunnam ; il y en avait un autre dans l’Inde, au pied de l’Himalaya, dans le Gahrwal. Il existait enfin des foyers endémiques moins importans, secondaires, en divers autres points.

Le foyer chinois, — à moins que ce ne fût le loyer de l’Himalaya, — s’était déjà manifesté par un coup d’éclat, au moyen âge. C’est là qu’avait pris naissance la plus terrible des épidémies dont l’histoire ait gardé le souvenir, la peste noire, qui désola le monde entier et fit périr, dans la seule Europe, de 1347 à 1351, vingt-cinq millions d’habitans sur une population de cent cinq millions. Parti de l’Extrême-Orient, le fléau s’était étendu lentement dans l’Inde, la Perse, la Russie. Il avait mis treize ans à arriver jusqu’en Pologne Mais, dès ce moment, au milieu de populations plus denses, il s’étendit avec rapidité, dans toutes les directions : il n’épargna aucune partie de l’ancien continent, dont il atteignit enfin les points extrêmes, l’Angleterre en 1349, la Norvège en 1351.

Il n’y a pas à douter que l’épidémie qui inquiète le monde depuis quelques années n’ait eu le même point de départ. La peste, probablement endémique dans la région de Canton, Hong-Kong, Formose et certainement dans la province du Yunnan, a pris, dans ces régions, depuis 1894, un développement épidémique. Elle s’est étendue de là dans l’Annam (épidémie de Nha-Trang, 1897), dans l’archipel Malais (Penang, 1899), et surtout