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fois, à Paris, et non plus en qualité d’ancien général, mais comme « prévenu d’avoir conspiré contre la République. »

Enfermé à la Conciergerie le 4 messidor, il y passa sept semaines, dont les cinq premières, jusqu’après le 9 thermidor, doivent avoir été pour lui pleines d’émotion. Le 27 thermidor, il fut transféré au Collège du Plessis, où il resta encore détenu près de deux mois, au grand chagrin de ses collègues du Conseil municipal d’Aubergenville, qui, de semaine en semaine, envoyaient au Comité de sûreté générale des attestations du genre de celle-ci :

LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ DÉPARTEMENT DE SEINE-ET-OISE
DISTRICT DE MONTAGNE-DU-BON-AIR
MUNICIPALITÉ D’AUBERGENVILLE

Nous soussignés, maire et agent national de la commune d’Aubergenville, certifions que le citoyen Boucher, huissier du tribunal révolutionnaire, est arrivé dans notre commune le 3 messidor, accompagné d’un garde ; qu’il nous a communiqué un ordre signé Fouquier-de-Tainville, qui portait d’arrêter l’ex-vicomte de Castellane, conspirateur ; que nous lui avons observé que le citoyen Boniface-Louis-André Castellane, qui est domicilié dans notre commune depuis quatre ans, était un patriote, qu’il ne s’était jamais appelé vicomte, et que ce mandat ne pouvait porter sur lui : il a toujours persisté et nous a exhibé un autre ordre signé aussi Fouquier-de-Tainville, par lequel il pouvait arrêter, nous a-t-il dit, tout ce que son zèle et son patriotisme lui dicteraient ; en conséquence, malgré nos observations, il a emmené notre concitoyen, qui, depuis ce temps, gémit dans les prisons du tribunal, malgré les réclamations que la commune en masse a faites, et ferait encore si elle n’attendait pas une prompte justice du Comité de sûreté générale.

A Aubergenville, le 16 fructidor, l’an deuxième de la République une et indivisible.

BERTRAND, maire, COJARD, agent national.

Soussignés, membres de la commune d’Aubergenville, certifions que le citoyen Castellane, demeurant à Aubergenville, est un excellent patriote, que toute sa commune réclamerait en masse si elle n’attendait de la justice du Comité de sûreté générale le prompt élargissement de ce bon citoyen.

Signé : AUCHANT, notable, F. BOULLAND, notable, J. -B. RAQUILLET, notable, LORREZ, officier municipal, DENIS CABIT, officier municipal, F. DEBAIZE, notable, BLIN, secrétaire-greffier.

La justice du Comité de sûreté générale, malheureusement, était devenue très lente depuis le 9 thermidor. Les semaines passaient, et l’excellent patriote Castellane restait toujours en