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colonel au 16e de cavalerie lorsque, le 12 mars 1789, le bailliage de Châteauneuf-en-Thimerais l’avait élu député de la noblesse aux Etals généraux. A Versailles, puis à Paris, pendant toute la durée de l’Assemblée constituante, il s’était signalé parmi les plus ardens amis de la liberté. Il avait été des premiers, notamment, à réclamer la fusion des trois ordres, et avait proposé, entre autres réformes, la suppression des détentions arbitraires. Quand l’Assemblée s’était dissoute, il avait rejoint l’armée ; mais, au lendemain du 10 août, il avait donné sa démission, et s’était retiré, avec sa femme et son fils, le futur maréchal, dans un petit village des environs de Meulan, Aubergenville, où il avait été nommé officier municipal. C’est là que, le 21 mars 1793, — comme il était en train, nous dit son fils, « de pêcher à la ligne dans un petit lac, » — on était venu l’arrêter, à titre d’ « ancien général, » pour le conduire à la prison de Montagne-Bon-Air[1].

il y resta détenu plus de deux mois, jusqu’au 30 mai. À cette date, le citoyen Crassous, député de la Martinique, et représentant de la Convention dans le département de Seine-et-Oise, le fit mettre en liberté provisoire, ainsi qu’en témoigne la pièce suivante, datée du « dix prairial, l’an second de la République une, indivisible et impérissable : »

Vu la pétition du citoyen Castellane, de la commune d’Aubergenville, mis en arrestation comme ancien général, par ordre du Comité de salut public, après avoir pris les renseignemens les plus exacts sur ce citoyen et avoir vu l’ordre d’arrestation motivé, j’ai arrêté que ce citoyen sera en arrestation dans sa commune, sous la garde d’un sans-culotte qui sera désigné par le comité de surveillance de Montagne-Bon-Air.

A. CRASSOUS.

Mais, soit que le sans-culotte préposé à la garde de Castellane ait eu des doutes sur la qualité de son civisme, soit que le Comité de salut public ait jugé dangereuse la mesure prise à son égard par le citoyen Crassous, — qu’on ne pouvait guère soupçonner, pourtant, de « pactiser avec la réaction, » — à peine le malheureux officier d’Aubergenville était-il rentré dans sa commune que de nouveau on le venait chercher, pour le conduire, cette

  1. La vérité est que l’on avait confondu M. de Castellane avec son frère le vicomte, qui, impliqué dans une prétendue conspiration, avait été incarcéré le 10 mai 1793, d’abord à Sainte-Pélagie, puis à la Conciergerie, enfin au Luxembourg, d’où il s’était enfui, le 25 octobre, dans des conditions particulièrement romanesques.