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vallée latérale, nous franchissons un second col, puis un troisième, et enfin nous nous trouvons sur un vaste plateau dont le centre est déprimé et qui paraît avoir été la cuvette d’un ancien lac. À notre droite, nous apercevons la partie supérieure d’une sorte de large entonnoir où les eaux se sont engouffrées pour se vider, à une époque plus ou moins ancienne, dans le Kizil-Sou. La marche sur ce plateau argileux serait facile, s’il n’y faisait un vent terrible, qui soulève des tourbillons d’une poussière aveuglante pour les hommes et pour les chevaux.

Nous marchons pendant trois ou quatre heures à travers cette plaine poudreuse, à l’extrémité de laquelle nous voyons se dresser, au Nord, une ligne de hauteurs d’un profil escarpé. Nous nous dirigeons vers une brèche qui s’ouvre entre le dernier et l’avant-dernier de ces sommets, du côté de l’Est. La route fait ainsi vers le Nord un détour assez long que je ne m’explique pas tout d’abord. Après avoir gravi un petit col peu élevé, mais assez abrupt, nous redescendons dans une large vallée qui vient du Nord-Ouest. Cette vallée aboutit, en amont, à un col peu fréquenté aujourd’hui, mais qui pourrait constituer une importante voie de communication entre le Turkestan russe et le Turkestan chinois. Ce col se trouve, sur le versant qui regarde le Ferganah, aux sources de la rivière Tar, un des plus grands affluens du Syr-Daria. Nous avons demandé aux indigènes pourquoi cette route n’était pas employée, concurremment au Terek-Davan et au Taldyk. D’après ce que nous avons appris, le motif qui empêche de l’utiliser consisterait, non pas dans la difficulté du col lui-même, qui est très accessible, ni dans l’étroitesse des vallées, mais dans ce fait que le Tar, étant une grande rivière, à cours impétueux, n’est généralement pas guéable, et que sa traversée présente de graves difficultés lorsque l’on est obligé, par la configuration des versans, de passer d’un bord à l’autre. Peu de temps avant mon arrivée, le capitaine Kotchouroff, ayant tenté de pratiquer le passage de ce fleuve, avec une cinquantaine d’hommes, y a perdu quatre chevaux, et a dû renoncer à son entreprise : deux de ses Cosaques, emportés par le courant, n’ont été sauvés qu’à grand’peine. Cependant il est certain qu’au prix de travaux d’art, relativement peu considérables, que les indigènes ne sont pas capables d’exécuter, mais qui ne seraient qu’un jeu pour les ingénieurs européens, la route de la vallée du Tar pourrait être rendue praticable. Elle constituerait alors un chemin de caravanes