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la vallée du Kok-Sou, derrière la muraille que l’eau traverse par cette brèche, n’est qu’à quelques pas de nous, et il est bien désagréable de recommencer une longue escalade, compliquée d’un grand détour, quand, depuis vingt-quatre heures, on s’est appliqué à descendre pied à pied un grand nombre de mètres, en étant constamment encouragé par cette idée unique, et en apparence logique, que, plus l’on descend, plus on est près d’arriver au bas. Tel n’est plus le cas si, chemin faisant, il faut remonter. Nous nous élevons donc sur le flanc gauche de ce maudit entonnoir. Ce n’est pas facile. Nous perdons une heure pour grimper jusqu’à un petit col, et de là gagner la vallée du Kok-Sou par un détour d’environ 3 kilomètres.

Le Kok-Sou, qui vient du Nord, est une rivière assez importante. C’est même, au point de vue de la longueur du parcours, la source principale du Kizil-Sou, bien qu’il ne lui donne pas son nom. Il draine toutes les eaux du versant oriental del’Alaï. Là où nous le rencontrons, le Kok-Sou (Rivière Verte) coule assez paisiblement au fond d’une vallée, large de trois kilomètres, qui, pendant la belle saison, doit être tapissée d’excellens pâturages. C’est là que nous aurions dû camper la veille, ainsi qu’en témoignent trois yourtes préparées pour nous et que nous apercevons de loin, sans même avoir le temps d’y faire halte. Mais nous n’avons pu les atteindre la veille, ainsi qu’on l’a vu, et, comme il est déjà près de midi, notre étape d’aujourd’hui sera des plus longues. Aussi Chi-Othman me demande-t-il s’il ne me conviendrait pas de s’arrêter ici jusqu’au lendemain. Je refuse, séduit par la perspective de trouver à Irkechtam, poste frontière, un gîte dans un bâtiment chauffé. En route donc pour Irkechtam ! Chi-Othman et les gens de sa tribu qui nous ont accompagnés prennent ici congé de nous.

Avant de poursuivre ma route, je tente, pendant que les chevaux prennent un peu de repos, de reconnaître, par le côté d’aval, la brèche qui sert d’issue aux eaux du Kapkan. J’en trouve sans peine l’orifice, où je m’engage. Mais je ne peux aller loin, et la cascade, dont j’entends le bruit, est invisible. Le couloir, aux parois verticales, qui y fait suite en aval, est étroit, sinueux, et rempli d’un bord à l’autre d’une eau profonde. Pour visiter cette gorge, il faudrait un bateau, et un bateau de forme spéciale, par exemple un de ces canots en toile, plians et très courts, comme on en a fait en France dans ces dernières années, et que l’on a