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la peinture contemporaine peut s’honorer, ont précédé leur entrée en scène.

Ils ont tout au plus, parmi eux, quelques sentinelles perdues dont les audaces ont pu être utiles, comme nous allons le voir. En réalité, ils n’ont presque toujours fait qu’exagérer ou faussement appliquer des lois que leurs prédécesseurs leur ont transmises. Souvent il les ont dénaturées, poussant jusqu’à l’erreur criarde, la vérité que d’autres avaient affirmée un peu trop sagement peut-être. Ils ont hurlé au lieu de chanter.

Je dois toutefois constater ici que, parmi ces impressionnistes, tous n’ont pas accompli leur entière évolution. Jusque-là, je ne puis condamner des chercheurs à la sincérité de qui je veux croire.

Je citerais même une exception à la vanité de tant de tentatives, si je ne m’étais interdit de parler des vivans. Mais, sans le nommer, je puis bien dire qu’un des artistes qui m’avaient le plus déconcerté par leurs incohérens bariolages s’est tout à coup transformé de la plus heureuse façon. Il n’est pas du reste parmi ceux dont on fait le plus de bruit ; peut-être même l’accusera-t-on de trahir de fulgurantes promesses. Qu’il n’écoute mie ! Qu’il continue à faire des toiles comme celle de cette Messe qu’il exposa au Salon de 1898, section du Champ-de-Mars, où de pieuses femmes, aux blancheurs monastiques, s’enveloppent d’exquises nuances que réveillent, çà et là, les merveilleux reflets d’un vitrail ; et comme cette autre toile du dernier Salon : ce groupe de jeunes filles bretonnes embarquées sur une mer toute perlée de magie argentine, petit panneau très neuf de ravissante impression, bien fait pour consoler de tant de folles outrances.

Je m’empresse d’ajouter que nous n’avons pas trop à nous plaindre de ces outrances. Elles excitèrent d’abord une douce gaieté ; puis, on se mit à regarder curieusement ces étranges symptômes d’une pathologie bizarre et, parmi des extravagances sans nom, on finit par découvrir quelques audaces heureuses. Les rétines un peu trop timides s’habituèrent aux fulgurations insensées, aux agitations de la forme, et il fut permis aux artistes mieux équilibrés de tout oser, sans craindre l’étrangeté des effets nouveaux ou excessifs. Et voilà comment des colorations folles purent amener des harmonies plus éclatantes, mais n’ayant cependant pour base que les lois découvertes par les précurseurs