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dire, — d’être fréquemment enclins à la paresse dès que l’absolue nécessité ne les aiguillonne plus, d’avoir un caractère irritable ut trop prompt, en même temps qu’orgueilleux, indépendant et indiscipliné. On nous montre le gros des ouvriers espagnols habitués à l’indolence et à une existence misérable, sans effort énergique pour améliorer leur sort, sans espoir d’y parvenir, sans grands besoins, sans vifs désirs, sans assiduité, ni ardeur ambitieuse ; plus remarquables comme hommes que comme travailleurs, industrieux, mais inégaux, insoucians, prenant peu d’intérêt à la besogne et ayant besoin d’une constante surveillance ; tantôt, après des heures d’activité fiévreuse, passant des journées entières dans l’oisiveté, — ce que feraient aussi des Arabes ; — tantôt accomplissant leur tâche avec lenteur, inattention ou mollesse, plus occupés de fumer ou de causer entre eux que de bien faire. Il y a d’ailleurs exception pour les Catalans et les Valenciens, plus actifs et qui, dans certaines branches d’industrie, fabriquent des produits suffisamment perfectionnés[1]. Au reste, comment l’ouvrier espagnol vivrait-il bien et travaillerait-il bien, avec un aussi misérable salaire ? Sa paie, dit un agent anglais, « est d’ordinaire trop faible, sa nourriture insuffisante, son vêtement des plus communs et des plus grossiers[2]. » Il se nourrit presque exclusivement de pain, de légumes, de fruits, d’huile et de poissons, jamais de viande. La soupe froide de l’Andalou, « mélange indigeste de pain et de tranches de concombre, » ne saurait être fortifiante. Mal logé, mal vêtu, ne renouvelant guère ses vêtemens, l’ouvrier reste étranger à tout souci de l’hygiène. Malgré sa frugalité, il n’arrive finalement qu’avec peine à équilibrer recettes et dépenses.

L’enquête ouverte par le gouvernement espagnol sur les causes du mouvement d’émigration, qui va croissant, a montré que, si l’on excepte les provinces basques avec leurs populations aventureuses, c’est une misère profonde et insurmontable qui pousse les Espagnols au-delà des frontières. « Mauvaises récoltes, sécheresses, dénudation des montagnes, absence d’eau et ravages des torrens, mauvais état et insécurité des routes, détestable administration municipale, excès des charges, » tels sont les faits que signalent de toutes parts les autorités espagnoles. Les habitans cherchent ailleurs des pays plus riches et de meilleures lois.

M. Lucas Mallada, en étudiant les maux de la patrie, los Males

  1. Lavollée, les Classes ouvrières en Europe, II, 506.
  2. French, Reports, t. I, 315.