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rialisme, se tait, laisse faire, et peut-être de lui aussi pourrait-on dire qu’il se soumet.

Il est donc probable, aujourd’hui, que la guerre aura lieu. Des deux côtés on s’y prépare, et, malgré la disproportion de puissance qui existe entre le Transvaal et la Grande-Bretagne, ce n’est pas pour cette dernière une épreuve qu’elle puisse affronter sans quelque inquiétude. La désaffection des afrikanders du Cap, c’est-à-dire de ses sujets fidèles et loyaux jusqu’à ce jour, mais d’origine hollandaise comme les boërs et attachés à eux par des liens de race, de famille et de sympathie, sera dans les événemens futurs un facteur qu’on ne peut pas considérer comme négligeable, sinon militairement, au moins politiquement. Or, veut-on connaître les sentimens des afrikanders par une preuve manifeste ? On sait que les dernières élections leur ont donné la majorité au Cap et qu’ils y sont actuellement au pouvoir ; ils en profitent pour laisser transiter sur le territoire de la colonie les armes et les munitions qui vont à Pretoria, tandis que le Portugal, plus vassal que ne l’a jamais été le Transvaal, fait dans la baie de Delagoa la police de l’Angleterre, et empêche de débarquer les fournimens de guerre à l’adresse des boërs. Si la guerre éclate, elle apportera une révolution profonde dans l’Afrique du Sud et y modifiera, un peu plus tôt ou un peu plus tard le caractère de la politique, anglaise, en portant une atteinte certaine non seulement à l’indépendance du Transvaal et de l’État libre d’Orange, mais au régime colonial qui faisait autrefois l’honneur de l’Angleterre. Le jour où l’indépendance du Transvaal aura succombé, l’autonomie et le self-government du Cap seront bien près d’avoir vécu.

Francis Charmes.
Le Directeur-gérant,
F. Brunetière.