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trois ans, ces 12 000 tonnes se soient élevées jusqu’à 28 000. Mais M. Gustave Bock présente ce chiffre comme si sûr, qu’il indique même la répartition des 28 000 tonnes ou 560 000 balles, desquelles 220 000 seraient employées à la consommation locale et 340 000 exportées. La valeur en serait : pour les 340 000 balles exportées, de 12 millions de dollars (60 millions de francs) et pour les 220 000 balles consommées sur place, de 10 millions de dollars (50 millions), en tout 110 millions de francs. Sur les 60 millions de francs qui représentent le montant de l’exportation, les États-Unis auraient fourni pour leur part près de 45 millions en 1893, plus de 52 millions et demi en 1896[1]. La statistique espagnole accuse, pour 189S, des chiffres sensiblement plus forts, qui s’appliquent à toutes les formes sous lesquelles sort le tabac[2] : l’exportation aurait atteint la somme ronde de 24 millions de pesos (120 millions de francs) dont 18 millions (90 millions de francs) pour la part des États-Unis[3].

Des 300 millions de cigares, fabriqués à Cuba en 1889 et représentant une valeur de 13 500 000 dollars (67 500 000 francs) 50 millions s’étaient évanouis en fumée dans l’île même et 250 millions étaient allés répandre au dehors la capiteuse senteur de la terre cubaine. Depuis lors, les chiffres de l’exportation n’ont guère cessé de fléchir, jusqu’à s’abaisser, en 1897, à 123 millions de cigares, soit une diminution de près des deux tiers. En ces deux années extrêmes, 1889 et 1897, l’exportation aux États-Unis est tombée de plus de 100 millions de cigares en 1889 à 34 millions en 1897[4]. La province de Pinar del Rio, la Vuelta Abajo, qui était celle où le tabac cubain triomphait, est également celle qui a le plus souffert ; des consommateurs inexperts, peu gourmets ou plus économes n’ont plus su distinguer entre ses plantes d’essence rare et choisie, dont en toute vérité on peut dire que « le tabac est divin, qu’il n’est rien qui l’égale » et les feuilles moins délicates du Partido ou du Remedios : corruption du goût, qui a singulièrement réduit les 125 millions que Pinar del Rio tirait de sa supériorité, pour le plus grand dommage des 60 000 employés et ouvriers auxquels étaient payés, chaque jour,

  1. Robert P. Porter, Industrial Cuba, p. 312.
  2. Cette statistique distingue quatre catégories : cajetillas de cigarros, picadura, tabaco torcido, et tabaco en rama. Les chiffres cités ici portent sans doute sur plusieurs récoltes.
  3. Estadistica comercial, p. 212 et 262.
  4. Robert P. Porter, Industrial Cuba, p. 314, 315.