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II

Si la superficie cultivée n’était, il y a un demi-siècle, qu’un huitième ou un douzième de l’île, il résulte des documens les plus dignes de foi que, sous ce rapport, il n’a été accompli pour ainsi dire aucun progrès, puisque le territoire cubain tout entier devrait maintenant encore se répartir ainsi : 10 pour 100 en cultures, 7 pour 100 en terrains vagues, 4 pour 100 en forêts, le reste inexploré.

De ce dixième cultivé la canne à sucre couvre la plus grande partie : elle a même chassé des provinces orientales, de Santiago, de Puerto-Principe et de Santa-Clara, le caféier, auquel le climat convenait moins bien. L’espèce la plus répandue est la canne blanche, dite de Bourbon, qui dure de sept à neuf ans ; par suite, tous les sept ou neuf ans, il faut replanter. La récolte se fait tous les dix ou onze mois, et le rendement moyen est de 80 kilogrammes de canne par hectare[1]. Certaines tiges atteignent, dans cette terre privilégiée, une grandeur et une grosseur incroyables ; il ne serait pas rare d’en voir, sur les rives du rio Cauto, qui ont 9 mètres de haut et 8 centimètres de tour[2]. On peut, pour les dernières années, évaluer, en temps normal, la production du sucre à plus d’un million de tonnes. En 1893-1894, elle a été de 1 054 214 tonnes[3]. Depuis lors, la guerre est venue tout interrompre ; il a fallu abandonner et la zafra et la molienda. C’est surtout autour de Guantanamo, de Manzanillo, de Santiago, de Gibara que se rencontrent les sucreries, les ingénios. Les meilleurs témoins assurent qu’il y avait à Cuba, au commencement de l’insurrection, environ huit cent bateyes ou usines. Parmi ces usines, il en est qui ne fabriquent pas plus de 10 à 15 000 sacs de sucre par an, et qui valent de 100 à 150 000 pesos (de 500 à 750 000 francs) ; mais il en est aussi qui fabriquent de 75 à 100 000 sacs et dont la valeur est de 700 000 à un million de duros (3 500 000 à 5 000 000 de francs). Prenant une moyenne proportionnelle, il n’est pas téméraire d’avancer que chaque batey fabrique 50 000 sacs de sucre et vaut, bâtimens, machines et outillage,

  1. Nouveau Dictionnaire de Géographie universelle, de M. Vivien de Saint-Martin, continué par Louis Rousselet. Supplément, art. Cuba, fasc. 8., 1897.
  2. V. Mestre Amabile, la Question cubaine, p. 60.
  3. Robert P. Porter, Industrial Cuba, p. 281.