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L’instruction se borne à l’étude du pâli, dans le Wini. La basse Birmanie, soumise depuis plus longtemps, a accepté les programmes anglais, et, comme aux Indes, l’instruction y est largement répandue.

Le vieux bonze raconte, avec plaisir, au fonctionnaire anglais, les honneurs qui lui ont été rendus dans un récent voyage à Rangoon où il a été porté en triomphe aux pagodes. Sa situation de pape élu est assez délicate.

Un an auparavant, le dernier pape étant mort, les poonghees avaient dû s’adresser au gouvernement anglais, qui s’est arrogé les droits royaux des dynasties birmanes, pour leur désigner un nouveau chef. Les Anglais, trop habiles pour assumer ce choix, ont obligé les bonzes à procéder eux-mêmes à l’élection, s’en réservant seulement la ratification. Un bonze intelligent et très influent, autre curieuse figure que j’ai eu le plaisir de voir, était trop jeune pour se faire élire directement. Il a entrepris de régner sous un plus vieux, si vieux qu’il en est déjà mort. Mais, il y a eu division dans le vote des trente chefs de grands monastères. Le pape nommé n’a obtenu que vingt voix, et le gouvernement a trouvé la majorité insuffisante. Il ne sera pas procédé à une nouvelle élection qui, par l’influence du jeune bonze, donnerait, dit-on, le même résultat, et, le pape élu n’étant pas reconnu, la grande puissance des bonzes, très attachée et très fidèle à l’ancienne dynastie, en reste désunie et diminuée.

Les poonghees, les bonzes, si influens encore en Birmanie, ne forment pas, à proprement parler, une caste à part ; car, de même qu’au Siam, tout le monde doit avoir été poonghee, quelques mois au moins en sa vie. Les moines sont consacrés à l’instruction et ne doivent vivre que de charité. On les voit, chaque matin, descendre les degrés des temples, en longue théorie, leur marmite dans les bras, et s’en aller faire la quête : ils doivent marcher lentement, sans jamais rien demander à personne. Ils s’arrêtent devant les maisons, pour permettre aux femmes de leur apporter la dîme des provisions ; et ils doivent détourner la tête, pour ne pas voir ce qu’ils reçoivent, ni même qu’ils reçoivent. Les nonnes bouddhistes font aussi la quête et circulent la marmite sur la tête. Leur modestie — et le soleil — engagent les poonghees à tenir dans la rue un grand éventail, fait d’une immense feuille de talapot (latanier) emmanchée de côté, derrière laquelle ils doivent s’abriter pour ne pas voir les femmes. C’est de cette