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de supprimer dans la réimpression de ses œuvres. Il terminait ainsi : « Je ne sais, Monsieur, si vos occupations vous laissaient dans le temps le loisir de lire le Patriote français, journal très libéral, rédigé par Jacques Brissot. Jacques Brissot s’avisa d’accuser de vénalité l’abbé Morellet, homme imbu, comme on sait, de préjugés serviles. Voici la réponse de celui-ci : « M. Brissot ne dit pas la vérité. Je n’ai pas reçu un écu pour trouver J.-P. Brissot bien absurde, et j’emploie ici volontiers l’excellente défense de M. André Chénier contre une semblable imputation, lorsqu’il observe que ceux qui la lui intentent, affectent bien ridiculement de croire que, pour les mépriser et le leur dire, il faut absolument être payé. Je trouve comme lui qu’une si bonne œuvre peut être faite sans intérêt. » Je ne suis point assez injuste. Monsieur, pour vous confondre avec les adversaires de l’abbé Morellet et d’André Chénier ; mais en écartant le reproche d’absurdité, que vous ne mériterez jamais, et le mépris qui ne saurait être légitime envers un homme comme vous, quelque raison d’ailleurs qu’on ait de s’en plaindre, j’adopte entièrement, à mon tour, la réponse de l’abbé Morellet. Il n’est point nécessaire d’être payé pour trouver votre invariabilité souvent en défaut. Ce serait un argent trop facile à gagner, et la conscience y serait doublement engagée. »

Benjamin Constant fit le mort ; et naturellement le nom de Loyson sortit plus grand de toute cette campagne de presse et acquit une autorité, un prestige qui rejaillit sur son cours à l’Ecole normale, car il n’avait cessé de mener, de front l’enseignement, l’administration et les lettres, sans prendre garde qu’en « allongeant sa gloire il raccourcissait ses ans[1]. »


VI

Cependant, dans ses momens de crise, il se sentait pris de nostalgie ; il aurait voulu partir pour Saumur, pour Château-Gontier où étaient tous ses souvenirs d’enfant et de jeune homme ; mais les devoirs de sa charge et la mission qu’il s’était donnée le retenaient malgré tout à Paris.

« Savez-vous bien, écrivait-il à Papin, que je suis capable des résolutions soudaines et des grandes entreprises. J’ai été sur le point de me mettre en route pour Saumur avec mon frère. Je suis encore tenté de l’y aller attendre à son retour, mais je n’en ferai

  1. Joachim du Bellay.