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Le mot de la fin, le feuilleton de ce journal, est d’autant plus piquant qu’il est assez inattendu. Il nous apprend — ce dont nous nous doutions bien un peu — que Chateaubriand, en dépit des éloges officiels de M. de Fontanes, n’avait pas encore l’oreille de la jeunesse universitaire ; et que le jeune Loyson n’avait point l’esprit romantique. Quant au journal lui-même, il nous rend exactement compte de la situation embarrassée dans laquelle se trouvait Charles Loyson en 1812. Si nous y ajoutons que peu de temps auparavant il avait célébré la naissance du roi de Rome dans une ode qui avait fait un certain bruit[1], on comprendra qu’il ait conçu quelque dépit de se voir, pour toute récompense, ballotté ainsi de lycée en lycée et menacé de perdre le titre de maître-répétiteur qu’il avait acquis au prix d’un labeur acharné. Mais comme ces ennuis ne furent en somme que passagers, nous ne lui ferons pas l’injure de croire qu’il en garda rancune au régime impérial. Peut-être, après l’abdication de Fontainebleau, applaudit-il un peu bruyamment au retour de la monarchie légitime, mais en cela, c’est une justice à lui rendre, il ne fit que suivre l’exemple du haut personnel de l’enseignement. Il ne faut pas oublier, en effet, que les professeurs de la Faculté des lettres, comme Royer-Collard et Laromiguière, et les inspecteurs généraux, comme Ambroise Rendu et Guéneau de Mussy, étaient des royalistes d’opinion, qui ne s’étaient ralliés au Consulat et à l’Empire que pour sauver le pays de l’anarchie révolutionnaire. L’Empereur ne s’était jamais fait d’illusion sur leur dévouement à sa personne et à sa dynastie, et lorsque Fontanes, en sa qualité de Grand Maître de l’Université, lui avait demandé une chaire de philosophie pour Royer-Collard, Napoléon qui savait que, de 1797 à 1803, l’illustre philosophe avait été l’agent principal du conseil royal institué à Paris par Louis XVIII, l’avait nommé sur la foi de ses principes. Mais l’abdication de Fontainebleau, en les déliant du serment de fidélité, avait rejeté tous ces fonctionnaires dans le parti de leurs préférences, et Charles Loyson, qui était le protégé de Royer-Collard, ne pouvait manquer d’y entrer à sa suite. Il acclama donc le retour de Louis XVIII, et comme professeur, dans le discours qu’il fut chargé de prononcera la distribution des prix du lycée Bonaparte, et comme poète dans une ode

  1. Cette Ode, la première qu’il ait publiée, n’a pas été recueillie dans ses œuvres.