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donner efficacité à ce cri de pitié humaine et entraînant à sa suite tous les peuples orthodoxes, restaurerait l’unité catholique, le lien serait rétabli entre quatre cents millions d’âmes ; une société assemblerait l’autonomie des grands peuples ; la Russie et la France, régulatrices naturelles de cette puissance, auraient affermi leur amitié par une solidarité permanente ; et cette force qui, rendant voix et sanction à la conscience humaine, aiderait à l’établissement d’un ordre meilleur dans le monde, assurerait aux nations restauratrices de cet ordre la primauté.

Avant ce jour, bien des jours doivent passer, si l’on compare ce qui a été fait et ce qui reste à faire. D’autre part, nous sommes d’un temps où les choses, comme impatientes, se hâtent vers leurs conséquences. En tout cas, l’apostolat aujourd’hui commencé pour ramener au catholicisme les chrétientés dissidentes d’Orient est la voie du retour qui aurait de si grandes suites. Et voilà comment des moines qui, au fond des solitudes obscures, préparent, en des rites vieillis, l’âme sacerdotale d’enfans étrangers, servent la cause de la France et de l’avenir.


Ainsi la France revient en Orient à l’œuvre que la politique des Valois avait interrompue. Elle se prononcera de plus en plus pour le droit des races chrétiennes contre la perpétuité de la domination musulmane. Elle travaillera de plus en plus à défendre les races chrétiennes contre la perpétuité des dissidences religieuses. Telle était la double conquête que les croisades tentèrent par les armes, et le génie catholique de la France reprend, après un détour de quatre siècles, la voie droite de ses traditions. La différence des âges se marque par la nouveauté des moyens, dans la persévérance de l’effort. Aujourd’hui, le grand secours apporté aux peuples est l’appel fait à la conscience universelle en faveur de leur droit. Le grand secours apporté au catholicisme est l’appel fait à la conscience particulière de chaque homme en faveur de la vérité. Ce n’est qu’un souffle pour renverser ce qui a résisté au fer. Mais, en croyant à la force de la douceur, notre siècle a mieux compris l’Evangile : car seules n’ont rien à craindre de l’avenir les victoires remportées dans la conscience par la vérité.


ETIENNE LAMY