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commun éclat, l’art des cours à donner un air de grandeur à la servilité, la hauteur d’où une volonté unique descendait comme d’un double trône, étaient faits pour dérober aux peuples les conséquences du régime. Avec quelle puissance ne se précipitent-elles pas comme d’une digue rompue, depuis le jour où l’un et l’autre pouvoir tombent ensemble aux mains d’un peuple ignorant, barbare et qui n’est pas même chrétien ! L’Eglise, par son idolâtrie envers la souveraineté politique, a si bien tari en elle-même la liberté du ministère religieux que, dès avant la chute de l’Empire, elle a un clergé de fonctionnaires experts à employer les procédés de la politique, à se pousser aux dignités, à s’enrichir, elle n’a plus de docteurs ni de saints ; et elle a si bien brisé dans ses fidèles le ressort des énergies, qu’ils sont prêts à subir toute oppression, même celle du Turc. Dès lors, l’Eglise orthodoxe, fidèle à son principe de servir le prince, se fait l’auxiliaire du Sultan pour que le Sultan maintienne le pouvoir religieux à la race grecque. Mais dès lors aussi, tout peuple orthodoxe qui se trouve libre de la domination ottomane veut avoir à lui, et de sa race, son chef religieux, et applique contre l’Eglise grecque le principe posé par elle contre Rome.

Ainsi, dès le XVe siècle, les Russes se rendent indépendans de l’Église grecque, et, depuis, chaque démembrement de l’Empire ottoman l’a réduite. Elle voudrait garder sous son autorité les Hellènes, ingrats qui, à peine délivrés, renient leur mère, mais il lui faut abandonner, en 1850, sa juridiction sur les fils de sa doctrine et de sa chair : où la Turquie n’a plus de droits, l’Eglise grecque n’en a plus. La Roumanie, la Serbie, le Monténégro émancipés en 1878, sont, dès 1885, reconnus comme églises autonomes. D’autre part, la Bulgarie, en 1860, réclame un clergé bulgare, l’Eglise de Constantinople refuse : parce que les Bulgares sont encore sous le joug des Turcs, ils ne doivent être instruits et consolés que par des Grecs. Elle donne pour fondement à son droit religieux sur ceux qui ne veulent plus d’elle, leur dépendance envers un gouvernement non chrétien ; celui-ci, de sa souveraineté islamique, accorde aux Bulgares un exarque et des évêques ; le Patriarche œcuménique, en frappant l’exarque et les évêques comme rebelles, se met lui-même en rébellion contre son souverain ; les Bulgares s’absolvent de leur schisme parce que le principe même de l’orthodoxie établit leur droit à un clergé national. Où peut-on voir assemblées plus de contradictions et