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Dès qu’elle se développa l’entreprise inspira aux religions orientales l’émulation de pourvoir elles-mêmes aux services jusque-là négligés. C’est sur l’enseignement que se porta leur principal effort, et l’on vit le Turc lui-même s’occuper d’écoles. Mais jusque dans les réformes on apporte sa nature, la nature qui a laissé grandir les abus. Les Turcs étaient inaptes à enseigner les sciences et les langues de l’Europe en un temps où ils commençaient à peine à en reconnaître l’utilité. Les Chrétientés séparées, au moins l’orthodoxe et l’arménienne, comptaient des hommes instruits, mais en qui resta somnolent le zèle d’instruire. Les Russes seuls se sont révélés éducateurs, mais leur effort est concentré en Syrie. Il n’y a eu à vrai dire qu’une concurrence générale à l’effort des catholiques, celle des protestans. Ils ont lutté avec la force et la faiblesse de l’émancipation individuelle qui est dans leur doctrine et dans leur apostolat. Personne n’est plus hardi à concevoir, plus ardent à entreprendre, plus préparé à accomplir avec perfection les œuvres qui sont à la taille d’un homme seul et donnent emploi à tout son mérite. Ils excellent à établir les centres d’activité où un pasteur, suffisamment muni de science divine et humaine, suffit à desservir un temple et une école. Mais son savoir, plus en superficie qu’en profondeur, le goût de son indépendance, et le souci de ses intérêts le disposent mal à coopérer aux œuvres collectives qui, sous le nom de collèges et d’universités, distribuent l’enseignement classique ou supérieur, à accepter enfin ces fonctions sacrifiées qui y abondent et sont nécessaires au succès général. Le catholicisme, qui agit par des corporations permanentes, nombreuses, disciplinées, aie regard plus universel, l’action plus ordonnée et les mouvemens plus lents. Pour former les établissemens de haute instruction, que jamais il n’a oubliés dans ses projets synthétiques, il lui suffisait de vouloir ; les sociétés monastiques lui fournissaient à son gré des hommes versés en chaque sorte de savoir, prêts à accepter toute besogne qui permettrait de travailler obscurément au bien. Aussi a-t-il sans peine conquis la primauté de l’enseignement supérieur, bien que les protestans aient tenté de le disputer à Beyrouth. Leur collège d’études classiques à Bebeck n’a jamais soutenu la comparaison avec les collèges des lazaristes et des jésuites, à Constantinople, à Smyrne, à Antoura, à Alexandrie. Moins encore les protestans ont-ils réussi à organiser cet enseignement moderne où le culte des littératures mortes est remplacé par l’étude des sciences