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l’inattention des peuples aux prises pour régler à sa volonté le sort de l’Asie. Aidons et fortifions dans les Balkans les peuples slaves : ils seront, et surtout contre l’Allemagne, nos alliés ; où ils s’engageront la Russie est moralement forcée d’intervenir. Si bien que notre bienveillance active pour ces petits peuples est notre seul moyen de rattacher la Russie à notre politique, d’empêcher qu’elle se dérobe en Asie quand nous aurons besoin d’elle en Europe, et de donner par suite à notre alliance son efficacité.


II

Affermir notre crédit politique n’est pas le moindre moyen de rétablir notre situation commerciale. Les amis deviennent des cliens pour peu qu’on soit habile. Sur les marchés à regagner et sur les moyens d’y réussir, bien des choses seraient à dire, mais elles se peuvent déduire en partie des critiques que j’ai faites, et il faut se borner. Je passe à l’examen de notre situation religieuse.

Les affaires d’Etat sont régies par des gouvernemens mobiles dans leurs ambitions et leurs principes. Les affaires de commerce sont conduites par des particuliers que l’amour du gain porte où leur travail se transforme plus aisément en richesse. Les affaires d’Église sont menées par des corporations durables, et seuls forment ces corporations des hommes à qui l’obéissance est devenue liberté, l’épreuve joie et le sacrifice récompense. Cela suffit à expliquer pourquoi, dans le même pays où notre politique et notre commerce déclinaient, notre action religieuse n’a cependant connu ni arrêt, ni amoindrissement, ni lassitude. Ce n’est pas assez dire : depuis l’origine, elle n’a pas cessé de croître en se transformant.

Les croisades finies, quelques franciscains se glissent à Jérusalem. D’abord il ne s’agit que de veiller à la place consacrée par la passion du Christ. Ces gardiens d’un tombeau ne sont eux-mêmes que des ensevelis dans l’immensité du monde musulman. Lorsque les capitulations ouvrirent aux « Francs » l’empire turc, et assurèrent à ces étrangers la liberté publique du culte, il y eut place pour plus de prêtres et pour plus d’efforts. Le zèle des missions prit son élan au XVIIe et aussi au XVIIIe siècle, car la même société qui donnait des philosophes incrédules à l’Europe donna une armée d’apôtres au reste du monde. Une partie de ces