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degré de précision, de sûreté et de facilité : ses aéroscopes permettent de recueillir et de nombrer les micro-organismes qui se trouvent, non plus dans quelques litres, mais dans des volumes d’air considérables. Il a montré ainsi que l’air des hauteurs présentait un degré de pureté bien supérieur à ce que Pasteur pouvait penser. Son collaborateur, M. de Freudenreich, entreprit, en 1883, les ascensions pénibles et dangereuses d’un certain nombre de sommets des Alpes bernoises, du Schilthorn à 2 973 mètres, du col de la Strahlegg à 3 200 mètres, de l’Eiger à 4 000 mètres. Dans une masse de près de 3 mètres cubes (2 700 litres) d’air recueilli entre 2 000 et 4 000 mètres, on ne trouva ni une bactérie, ni une moisissure capable d’éclore dans un milieu de culture qui leur est cependant très favorable, le bouillon de bœuf neutralisé. La même masse d’air puisée à Paris, rue de Rivoli, contiendrait plus de 15 000 microbes. L’atmosphère des régions ensevelies sous les neiges éternelles est d’une pureté immaculée, qui équivaut sans doute aux meilleures stérilisations que nous puissions réaliser dans nos laboratoires.

C’est, sans aucun doute, à cette pénurie en germes de toute espèce que les hautes régions montagneuses sont redevables de leur salubrité proverbiale. Il n’y a pas de contagion à craindre, puisqu’il n’y a pas de germes pour la propager. Les maladies microbiennes sont rares ou inconnues. La phtisie, qui dépeuple les plats pays, respecte les hautes régions. Sur le plateau mexicain, le docteur Jourdanet avait eu à soigner six tuberculeux seulement dans l’espace de quatre années. Guilbert chez les indigènes des Cordillères, A. d’Abbadie chez les Abyssins, Schlaginweit chez les habitants du Tibet, signalent la même immunité.


III

Un troisième caractère de l’atmosphère de la montagne, c’est sa sécheresse habituelle. Sans doute, les pluies sont fréquentes au printemps et à l’automne et la rendent saturante tout comme en plaine, mais elles sont rares en été et tout à fait exceptionnelles en hiver. Il en est de même pour les brouillards. Dans les Alpes, l’été et l’hiver sont des saisons sèches. L’air y est desséchant. C’est une conséquence même de sa raréfaction ; on sait que pour déshydrater les corps, les expérimentateurs ont soin de les soumettre à l’action d’une basse pression ou du vide.

Les manifestations de ce pouvoir desséchant fournissent quelques-