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enthousiasme méridional, comme y fut accueilli M. Prinetti[1] ! »

On réclame de l’État, enfin, des voies de communication et des facilités de transport, et ce fut, en 1897, l’une des raisons de ce voyage ministériel… « L’unité italienne est faite, écrit M. le professeur Lo Re ; mais l’unité de la Capitanate est encore à faire ; » et l’on observe que toute la région du mont Gargan, peuplée d’environ 100 000 âmes et féconde en oranges, demeure isolée du reste du royaume en dépit du projet de voie ferrée qu’avait ingénieusement proposé M. Piccirella, et que les petits ports de la Capitanate, qui sembleraient promettre un utile accès au trafic de cabotage, sont trop négligés et insuffisamment outillés. Brindes lui-même, ce port classique dont on voudrait faire une étape durable du transit universel, inspire de graves inquiétudes : la malle des Indes menace de chercher un autre débarcadère, si l’on ne procure pas au port de Brindes les améliorations multiples dont M. Prinetti constatait en 1896 la coûteuse urgence. L’État s’occupe de Tarente, parce qu’il en veut faire un port militaire ; mais le commerce maritime lui est beaucoup plus indifférent : et lorsque la Pouille, durant sa courte effervescence de prospérité, fit effort pour devenir le siège de quelques compagnies locales de navigation internationale, elle ne trouva près des pouvoirs publics qu’un assez médiocre concours.

Ainsi les Pouilles, jusqu’à ces derniers temps, n’ont point acquis, dans l’édifice unitaire, l’importance et le respect auxquels elles ont droit ; M. Pavoncelli, membre du dernier cabinet de M. di Rudini, n’eut point le temps, durant son court passage au pouvoir, de rectifier cette inégalité flagrante sous le poids de laquelle les Pouilles sont opprimées. Les périodes électorales, qui se dénouent dans ces provinces par un grand mouvement de votes, n’y produisent qu’un insignifiant mouvement d’idées : « c’est à base de sympathies personnelles que se font les élections, » me disait-on un jour ; et je n’avais, pour m’en convaincre, qu’à lire les débris d’affiches qui maculaient les murs. Nulles promesses précises, nulles revendications détaillées, rien qui dénotât une étude sérieuse des questions urgentes ; mais un grand étalage de vanité personnelle, une sentimentalité un peu laborieuse, une emphase spontanée à force d’être coutumière : voilà ce qui distinguait la plupart de ces manifestes. Un candidat à

  1. Raffaelo de Césare, Agro Romano e Tavoliere di Puglia (Nuova Antologia du 1er  mars 1897).