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d’armes. « Si des raisons politiques et des erreurs économiques, affirmait M. Boggiano, président de la Chambre de commerce de Bari, ne nous avaient pas fermé le marché de la France, nous, pourvoyeurs de la matière première, nous nous serions enrichis. » Et il ajoutait en 1892 : « Sans aucune aide, par la simple force de l’épargne, à la sueur de son front, ce noble peuple transforme une vaste lande inculte en un immense jardin. Mais, en quatre longues années d’atroces souffrances, il a désormais épuisé toutes ses ressources. Il a vu diminuer le prix des denrées ; la terre ne lui a plus rien rendu, non par manque de fécondité, mais parce que d’immenses récoltes sont restées inutiles, encombrantes ; il a vu s’accumuler une suite d’aventures ; et tandis qu’hier encore il était riche et heureux, aujourd’hui il n’est qu’un peuple de déclassés. »


VI

Sujette d’un pouvoir lointain dont la politique la ruinait, la région du sud-est devait, en outre, se laisser surtaxer pour permettre à ce pouvoir de continuer cette politique. Il ne suffisait pas qu’au fur et à mesure elle en payât les dégâts éventuels ; elle devait aussi, pour sa part, en solder les frais annuels. L’Italie, suivant une originale expression de M. le député Giusso, « agissait comme ce propriétaire qui ne soigne pas sa vigne ou son olivier, et qui fait des dettes pour se fabriquer une splendide maison et pour vivre avec faste, » et elle demandait aux Pouilles d’acquitter une fraction de ses dettes. Un homme politique de la Capitanate, honoré depuis de la confiance royale, me donnait à cet égard des renseignemens mathématiques. La Pouille, en 1895, payait à l’Etat 59 476 254 francs d’impôts (non compris 26 286 533 francs de dépenses communales et provinciales) ; or, la valeur de la production de la terre, pour l’ensemble des trois provinces, était de 221 294 623 francs, en calculant le prix du vin à 15 francs l’hectolitre, le prix de l’huile à 90 francs le quintal, le prix de la laine à 2 francs le kilo. Confrontez ces deux chiffres : sur une récolte annuelle de 221 millions, Rome capitale en exigeait 59, c’est-à-dire plus du quart, sous la rubrique « impôts »... Or, on estime là-bas que le revenu net d’une terre atteint à peine le cinquième de ce qu’elle produit : Rome capitale absorbait donc tout le revenu net des Pouilles, et requérait même un surcroît. On