Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 155.djvu/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

utiles de ces conférences. Les rancunes et les récriminations s’effacent, les cauchemars s’évanouissent ; chacun, quels que soient les actes de la veille, a le droit de s’ériger en champion du genre humain, de la civilisation, de l’humanité. Les pécheurs repentans (qui n’est pas d’ailleurs, à un moment donné, parmi les pécheurs repentans ?) sont, comme au ciel, reçus avec une courtoisie particulière. Dès le 31 mai, dans la troisième séance du comité, M. Holls, d’accord avec ses collègues américains de la troisième commission, avait introduit dans le projet primitif une médiation d’une nature particulière, qui fut accueillie de tous les côtés avec une faveur marquée. « C’est une vérité qui saute aux yeux, dit l’éminent avocat de New-York, qu’à la veille d’une rencontre fatale dans la vie privée, il vaut mieux laisser la discussion des points intéressés à des tiers qu’aux parties intéressées elles-mêmes. C’est ainsi que, dans la vie privée, à la veille d’une rencontre fatale, on laisse à des seconds ou à des témoins dans les affaires d’honneur la discussion des points aigus et des questions épineuses. » Partant de là, la délégation américaine proposait de recommander aux États en litige de choisir respectivement une puissance à laquelle ils donneraient mission d’entrer en rapport direct avec la puissance choisie. D’autre part, à l’effet de prévenir la rupture des relations pacifiques, M. Holls exposait que les puissances médiatrices représenteraient leurs commettans, et que la clause nouvelle aurait pour principal effet de faire cesser tout échange direct au sujet de la question litigieuse, les relations diplomatiques directes continuant avec cette seule restriction[1]. Cette proposition fut adoptée presque sans débat et passa dans la convention sous la forme suivante :

« Les puissances signataires sont d’accord pour recommander l’application, dans les circonstances qui le permettent, d’une médiation spéciale sous la forme suivante. En cas de différend grave compromettant la paix, les États en conflit choisissent respectivement une puissance à laquelle ils confient la mission d’entrer

  1. « Pour donner à notre idée toute sa force, il est nécessaire que la question litigieuse soit confinée pendant un temps donné dans les limites exclusives de la juridiction des Puissances médiatrices. Enfin notre proposition se recommande par son utilité comme agent de paix en temps de guerre. Il y a maintes circonstances où l’intervention des puissances médiatrices d’autorité reconnue peut persuader à l’un des belligérans ou à tous les deux que l’une des parties a obtenu satisfaction, et épargner ainsi beaucoup d’existences et beaucoup de souffrances. » (Note lue par M. Holls au comité d’examen le 31 mai.)