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à tirer, les parties ne suivront que leur propre volonté. Les petits États s’effrayent d’ailleurs à tort ; l’institution de ces commissions est tout à leur avantage, ils méconnaissent d’autant plus leurs propres intérêts quand ils s’y opposent que le projet russe soustrait formellement aux commissions « tout litige d’ordre international dans lequel l’honneur ou les intérêts vitaux d’un État quelconque seraient engagés. » C’était la vérité.

L’Allemagne n’intervint que tard, à la fin du débat. J’extrais du procès-verbal de la dix-septième séance la déclaration suivante : « M. le docteur Zorn déclare qu’il a été favorable au système des commissions d’enquête : cependant, pour tenir compte des scrupules qui existent, il est d’avis qu’on doit faire des concessions et pense que le mieux serait d’éviter tout ce qui pourrait donner un caractère obligatoire à l’article 9[1]. Il reconnaît que la situation entre deux grandes puissances n’est pas la même qu’entre deux puissances de forces différentes. » La Prusse, qui préside aux destinées de l’Allemagne, ne sort pas, on le voit, de son rôle historique. Frédéric II se fût égayé d’une façon terrible aux dépens du Congrès qui lui aurait enjoint de former une commission d’enquête au moment où il se préparait à faire main basse sur la Silésie, et l’ombre de Frédéric II n’a jamais cessé de veiller aux destinées du royaume.

Bref, le comité d’examen jugea bon de s’arrêter à la rédaction suivante qui fut apportée par le chevalier Descamps, le 22 juillet, à la troisième commission : « Dans les litiges d’ordre international provenant d’une divergence d’appréciation sur des points de fait, les puissances signataires jugent utile, pour faciliter la solution de ces litiges, que les parties qui n’auraient pu se mettre d’accord par les voies diplomatiques instituent des commissions internationales d’enquête afin d’éclaircir, par un examen impartial et consciencieux, toutes les questions de fait. »

La troisième commission se réunit le 22 juillet sous la présidence de M. Bourgeois pour examiner cette proposition. M. Delyannis l’avisa sur-le-champ qu’il avait reçu du gouvernement hellénique l’ordre d’adhérer à la rédaction du comité. Mais la Roumanie se montra plus exigeante : on trouvait à Bucarest, paraît-il, que le projet russe n’était pas amendé d’une manière assez

  1. L’article 9 du projet russe n’avait trait qu’à l’arbitrage : M. Zorn reproduit la confusion entre l’arbitrage obligatoire et la formation obligatoire d’une commission d’enquête.