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Christophe Colomb, que sont-ils autre chose que des fragmens de l’épopée nationale[1] ? Et, çà et là, dans mainte publication hétérogène et composite, telle que les énormes volumes qu’il a dénommés : Histoire du mouvement républicain en Europe, et qui sont bien plutôt un recueil de morceaux d’histoire qu’une histoire au sens vrai du mot, ne rencontre-t-on pas plus d’un chapitre de cette épopée ? Témoin le récit, le tragique et vibrant récit de la fameuse insurrection des artilleurs, du 22 juin 1866 : admirables pages, qui semblent coulées d’un seul jet[2]. Mais ce ne sont que des pages, le plus souvent écrites pour l’heure qui passe, en une matinée, par où il était bien vraiment de la race de Lope de Vega et de Cervantes ! Le fait est que don Emilio me les rappelait, ses grands devanciers, dont il était à sa manière le continuateur parmi nous. Il me les rappelait par l’abondance intarissable, par l’incroyable facilité d’un talent d’écrire le plus souple, le plus spontané que j’aie vu jamais. Il écrivait un article de Revue, comme eût fait Lope une comédie ; et ici vous touchez à la forme caractéristique, au cadre naturel de ce talent et de l’œuvre disséminée dont je désespère de donner l’analyse ou simplement un aperçu d’ensemble. Cet écrivain aura été, de tout temps et avant tout, un journaliste. J’ai là, devant moi, une trentaine de ses ouvrages, qui appartiennent aux époques diverses de sa vie, et ce n’est là sans doute qu’une faible partie de tout ce qu’il a fait paraître pendant le demi-siècle qu’il n’a cessé d’écrire ! Mais, notez-le, si vous exceptez les romans, de valeur secondaire, — genre où il se plaisait, en faisant fausse route, — si vous exceptez les récits semi-historiques, semi-romanesques, tels que le livre intitulé : La Chute de la liberté, El Ocaso de la libertad[3], qu’il publiait après son second voyage en Italie ; si vous exceptez La Revolucion religiosa, où l’histoire de l’Eglise se déroule en des milliers de pages presque grandioses, où se détachent en haut relief les figures de Savonarole, de Luther, de Calvin et de Loyola[4], presque tous les ouvrages de Castelar sont des recueils de discours et d’articles : causeries poétiques et oratoires, chroniques politiques, études littéraires, articles de Revues ou de journaux.

  1. El Suspiro ciel Moro, legendas, tradiciones, historias, referentes à la conquista de Granada, 2 vol., Madrid, 1886. — El Descubrimiento de America, 1 vol. Madrid, 1892.
  2. Historia del movimiento republicano en Europa, 2 vol. Madrid, 1873-1874.
  3. Un volume, Madrid, 1876.
  4. 4 vol. in-4o. Barcelone, 1880-1883.