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échec l’un à l’autre ; Don Carlos ne suivait pas les sages conseils que lui envoyait le vieux Cabrera ; il entendait bien renouer la chaîne des temps ; il serait le rey neto ; il apparaissait, en un mot, comme le fantôme du passé ; et ce revenant faisait horreur.

A vrai dire, le carlisme peut étendre facilement son empire jusqu’à l’Ebre ; aller au delà lui est presque impossible. Les provinces basques et la Navarre sont comme une Vendée espagnole, où la grande majorité des habitans était, de père en fils, dévouée au carlisme. C’est parmi eux qu’il recrutait presque exclusivement ses soldats. C’est dans ces régions montagneuses qu’il fut presque invincible. Mais, s’il s’avise de franchir l’Èbre, la victoire l’abandonne. Il faut se rendre compte en effet des conditions dans lesquelles il soutient la lutte. Les Espagnols l’appellent d’un mot significatif, la guerrilla, la petite guerre d’embuscades, d’escarmouches, démarches et de contremarches. Une bande ou partida descend de la montagne et attaque les troupes régulières qui traversent la plaine ; elle disparaît, mais pour se reformer un peu plus loin, et reparaît sans cesse, pareille à un feu follet voltigeant et insaisissable. De part et d’autre il n’y a presque jamais d’actions décisives. Il n’est donc pas surprenant que Castelar n’ait pu terminer la guerre carliste. Au fait, elle a duré encore trois ans après sa chute. Ce fut seulement en 1876 que le roi Alphonse XII en vit la fin. La vérité est que la lutte, durant les quatre mois de la présidence, a continué sans changement notable. Le fléau, dans les quatre provinces, accomplissait sa redoutable évolution, mais sans franchir l’Ebre, Le gouvernement de Madrid tenait les carlistes en échec ou du moins en respect de l’autre côté ; et, sur les autres points de la périphérie des Castilles, dans la basse Catalogne, dans la province de Valence, dans l’Estrémadure, dans la Galice, le progrès du carlisme fut décidément enrayé.

Tout autre était la lutte contre l’insurrection cantonaliste. Là aussi le mal était entré dans une phase nouvelle. On l’avait vu d’abord naître et se propager à l’état sporadique. C’était comme une éruption qui éclatait un peu partout à la surface du pays. La rapide campagne de Pavia à travers l’Andalousie avait détruit ces foyers épars dont quelques-uns étaient des feux de paille. Car cette tourbe démagogique n’était en Espagne — comme elle l’est presque toujours et partout — qu’une minorité aussi lâche que violente.